Le Rivage des Syrtes, Julien Gracq, désir, création littéraire, inspiration, oeuvre littéraire
« L'inspiration existe, mais elle doit vous trouver en train de travailler », disait Pablo Picasso. Cette citation souligne que l'inspiration ne vient pas nécessairement spontanément, elle exige une activité de l'individu pour donner corps à une oeuvre. C'est une notion d'engagement personnel qui rend alors le matériau ou le média, terrain propice à l'émergence de l'inspiration, et par cela de l'oeuvre en elle-même. À ce propos, « Le Rivage des Syrtes » est un roman écrit par Julien Gracq, qui aborde justement le thème de l'attente créative et de la frustration de l'inspiration par la réflexion profonde que ce Nouveau Roman porte sur la nature de l'existence et de la création.
[...] Le Rivage des Syrtes - Julien Gracq (1951) - En quoi l'extrait explore-t-il la relation entre le désir, la création littéraire et l'inspiration, mettant en lumière le rôle de l'engagement personnel dans l'émergence de l'œuvre littéraire ? LE TEXTE « La musique très lourde et très sombre, l'éclairage voilé et les parfums absorbants me dépaysaient. Il me sembla que je reprenais lentement mes sens, comme si j'étais tombé là par une trappe, et que je les reprenais seulement un à un, entraîné d'abord au fil seul de cette musique envoûtante, puis dilaté dans l'explosion même de ces parfums fiévreux. [...]
[...] Il s'agit d'un désir au sens freudien du terme, un désir de transgression, de dépassement des limites et du point de non-retour. Luckaz parle de mélancolie des romans en expérimentant l'impossibilité du retour, tendu vers des objets perdus. C'est le cas de l'écriture platonique et naïve, la virginité de la création, Le désir, satisfait et réalisé, renverse dès lors la situation. En effet, celui-ci a tracé un sillage qui ne peut qu'être suivi. L'écriture naïve n'est plus possible. Ainsi, la politique du désir symbolise le jaillissement de la création au sens où le fantasme permet de fonder les conditions d'existence de l'écriture, de guider l'auteur vers une idée sous forme d'inspiration et enfin de le mener à une profondeur qu'il n'aurait pu acquérir seul. [...]
[...] La bouche aussi vivait comme sous les doigts, d'un tremblement rétractile, nue, un petit cratère bougeant de gelée marine. Il faisait brusquement très froid. Comme on raccorde dans la stupeur les anneaux d'un serpent emmêlé, s'organisait par saccades autour de cette tête de méduse une conformation bizarre. La tête était enrochée au creux d'une épaule d'étoffe sombre. Deux bras lui faisaient une étole, un collier engourdi d'aise pantelante, qui fouillaient comme dans une auge pleine au creux de son corsage. [...]
[...] Le regard que porte Aldo éveille les sens de l'auteur, le tiennent en haleine dans un mouvement d'attente. En créant les conditions d'existence de ses personnages, l'auteur peut davantage être sensible à la venue de l'inspiration. Son personnage, grâce au désir, entre dans un cercle très fermé, isolé des autres. L'auteur, lui, toujours grâce au désir, met en place les conditions de rédaction de l'œuvre. L'émergence de l'inspiration (« Je jetai [ . ] gelée marine. ») Nous avons vu qu'en sortant du « sommeil », c'est-à-dire de la passivité, des figurants peuvent devenir personnage. [...]
[...] Les phrases elles-mêmes commencent à avoir des formations étranges comme si les mots étaient « emmêlés » en une « conformation bizarre ». A l'image des serpents de la Méduse qu'est devenue la femme belle et séduisante de l'extrait précédent, les mots sont mélangés, tordus, ils définissent la tentation mais aussi la perversion du serpent d'Adam et Eve. Méduse est une gorgone effroyable qui fut changé par minerve à cause de sa grande beauté et c'est le même cas, ici. [...]
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