Risibles Amours, Le jeu de l'auto-stop, Milan Kundera, nouvelle, amour, autrui, identité, galanterie, rencontre
Risibles Amours est un recueil de nouvelles qui gravitent autour de la thématique de l'amour. Les situations galantes qui nous sont présentées révèlent ce qu'il y a de plus absurde dans nos relations humaines comme dans nos désirs, nos affects et le sérieux que nous leur accordons. Le théâtre qui nous est offert dans Le jeu de l'auto-stop ne fait pas exception. La nouvelle met en scène un couple sur la route des vacances. À court de carburant, ils s'arrêtent faire le plein à la station-service. La jeune femme en profite pour faire un tour ; et lorsqu'elle revient à son amant, décide de se faire passer pour une auto-stoppeuse. Ce qui n'était au départ qu'un jeu de rôle anodin empêtre les deux personnages dans une situation malsaine où le jeu scabreux prend le pas sur la réalité. Ce jeu improvisé les conduit tous deux à se présenter sous un jour que l'autre découvre pour la première fois ; on peut donc affirmer que, dans ces circonstances, ils ne se connaissent pas ou plutôt ils ne se connaissent plus. Si la rencontre est cette découverte de l'autre tel qu'il se présente, peut-on alors parler dans cette nouvelle d'une rencontre renouvelée par le jeu ?
[...] Là où la proximité des personnages dans les premiers échanges les écartait du jeu et donc du renouvellement de la rencontre, la distance qui s'installe les en rapproche. La jeune fille à son tour s'abandonne donc au jeu et le passage se conclut ainsi : " C'est ainsi qu'ils étaient l'un à côté de l'autre : un chauffeur et une auto-stoppeuse ; deux inconnus.''13 C. Une rencontre authentique Mais cette rencontre à travers des rôles, bien qu'elle soit rendue possible par le jeu et qu'elle ait effectivement lieu dans la nouvelle, peut sembler illusoire puisque les personnages ne sont pas eux-mêmes au moment où ils jouent. [...]
[...] Cette stase de la conscience l'engage dans la réflexivité ; la représentation est alors appréciée, évaluée et conduit le sujet ; ou bien à la réaffirmation de soi qui se caractérise par sa résistance, son imperméabilité à l'égard de la représentation, qui sera conservée par la mémoire comme moment d'estime ; ou bien à la déchéance de soi par l'autre qui se caractérise par l'affection, par l'irritation du sujet, moment propre à la rencontre. Si je parle ici d'une déchéance de soi par l'autre, c'est que cet autre qui s'impose à moi me destitue de mon caractère propre, car une part de lui s'est insinuée discrètement en moi. [...]
[...] Et c'est je pense ici que nous avons affaire à une rencontre authentique, qui n'est ni la première rencontre avec la jeune femme qui était supposée dans l'histoire, ni la rencontre renouvelée telle que nous l'envisagions, c'est-à-dire comme un moment ponctuel à l'instar de la rencontre première. Si la rencontre est renouvelée dans la nouvelle, c'est que toute rencontre est en permanence renouvelée et toujours authentique, du moment que l'on ne se borne pas à poser un contour essentiel sur nos représentations ; car elles n'ont, en définitive, rien de fixe. [...]
[...] La jeune femme ne rencontre pas le conducteur mais prête à ce conducteur les traits qu'elle croit deviner dans la personnalité de son conjoint car elle ne peut se résoudre à l'inauthenticité du rapport qu'elle a elle-même initié. Il ne s'agit donc pas dans cet échange d'une rencontre entre le conducteur et l'auto-stoppeuse mais d'un quiproquo absurde qui repose sur la nature interprétative du langage. II. Le renouvellement de la rencontre A. La rupture Si le renouvellement de la rencontre est impossible dans un premier temps, c'est que de nombreux obstacles lui font encontre. [...]
[...] Kundera laisse entendre, à l'instar d'un Thrasymaque ou d'un Glaucon, que l'homme n'est moral que par contrainte sociale, mais qu'il serait authentiquement immoral si libéré de la réalité sociale et de ses injonctions (première mise à distance du réel). Or le jeu offre une telle libération au personnage du conducteur puisqu'il occulte sa responsabilité vis à vis de ses actes. Suivant cette perspective, on peut soutenir que le jeu libère le jeune homme de lui-même et que pour cette raison, il s'y abandonne : "Et ce désir puéril saisit l'occasion de s'incarner dans le rôle qu'on lui proposait.''11 La personnification du désir dans la citation ci-dessus renforce l'impression que la conscience s'égare et que le sujet se dilue dans son rôle, que le désir a pris le dessus sur la raison. [...]
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