Le sonnet « Vénus Anadyomène », écrit par Rimbaud en 1870, peut être considéré comme un exercice de parodie. La parodie consiste dans l'imitation satirique d'un texte ou d'une image, qui les détourne de leurs intentions initiales afin de produire un effet comique. Tel est bien le principe suivi par Rimbaud dans ce poème (...)
[...] Le sonnet Vénus Anadyomène écrit par Rimbaud en 1870, peut être considéré comme un exercice de parodie. La parodie consiste dans l'imitation satirique d'un texte ou d'une image, qui les détourne de leurs intentions initiales afin de produire un effet comique. Tel est bien le principe suivi par Rimbaud dans ce poème. Comme l'indique le titre, il prend pour thème le mythe antique de la naissance d'Aphrodite (Vénus Anadyomène signifie Vénus née des flots récit universellement connu par ses expressions littéraires et picturales. [...]
[...] Mais la volonté parodique ne se décèle pas seulement dans les choix lexicaux. On la trouve à l'œuvre tout autant dans la composition et la versification du poème, utilisées par Rimbaud pour imiter de façon burlesque le mouvement de la déesse sortant de l'eau. II Les effets parodiques tirés de la composition et de la versification Un sonnet Le poème de Rimbaud est un sonnet légèrement irrégulier. On reconnaît le sonnet à sa composition classique : deux quatrains suivis de deux tercets. Il est composé en alexandrins, selon la tradition. [...]
[...] L'effet de progression Un des principes classiques du sonnet consiste à ménager une progression culminant dans la chute du dernier vers. Rimbaud lui-même a de multiples fois utilisé cette possibilité expressive, intéressante par l'effet de suspens qu'elle autorise. Par exemple dans son sonnet le plus célèbre : Le Dormeur du val. Son poème Vénus Anadyomène est construit avec un même raffinement. La description du corps de la femme est organisée selon un mouvement ascendant qui s'inscrit exactement dans le moule du sonnet et culmine dans le deuxième tercet. [...]
[...] A la Vénus traditionnelle qui incarne la beauté et la grâce naturelle du corps féminin, Rimbaud oppose le spectacle de la laideur. Une nudité impudique et repoussante Le dégoût ressenti par le poète face à ce corps s'exprime de multiples façons. Le vocabulaire des sens est mobilisé pour décrire cette répulsion : on notera l'expression curieusement synesthésique (superposition de l'olfactif et du gustatif) pour évoquer l'odeur désagréable de ce corps : le tout sent un goût horrible (v.9-10). Sur le plan de la vue, le texte note des singularités qu'il faut voir à la loupe (v.11). [...]
[...] Le vers 11 ne nous l'apprendra que très vaguement : des singularités qu'il faut voir à la loupe . Et l'on remarquera que ce vers 11 se termine par des points de suspension, signe que l'essentiel est encore à venir. Par ces effets de versification, le lecteur est placé dans la position du voyeur qu'un metteur en scène pervers mène à sa guise, excitant sa curiosité et différant sans cesse le moment de la satisfaire. Rimbaud utilise donc dans ce poème le cadre poétique traditionnel du sonnet pour se livrer à une féroce caricature. [...]
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