Commentaire linéaire du poème de Arthur Rimbaud Oraison du soir. Il s'attache à montrer la révolution qu'est en train de faire subir à la la langue le tout jeune poète.
[...] Le poète donne scandaleusement son corps à voir dans ce quatrain. Les impalpables voilures désignent la fumée, qui est traditionnellement l'intermédiaire entre les hommes et les dieux, mais ici le poète est sous l'air gonflé La préposition sous montre qu'il est comme écrasé, comme sous un couvercle, la fumée ne semble plus remplir sa fonction d'intermédiaire, elle étouffe seulement, elle semble rendre impossible toute élévation, elle ramène le poète au trivial, au concret, au matériel. On perçoit ainsi l'ironie grinçante de Rimbaud qui montre que toute poésie doit d'abord être ramenée au trivial et la note poétique des impalpables voilures est anéantie par les termes hypogastre et Gambier désignant un simple pipe de qualité ordinaire. [...]
[...] Il n'y à plus rien à chercher au dessus de nous, tout est ancré dans la matérialité la plus basse, et la vraie poésie doit effectuer ce trajet réaliste de retour au monde terrestre pour atteindre enfin l'essentiel. Ainsi, même dans Aube, poème n'ayant pourtant rien de provocateur et de trivial, la quête poétique s'effectuera dans une communion et une communication avec la nature et le monde. [...]
[...] Cette élévation a bien lieu dans l'accomplissement de ce besoin trivial d'uriner qui renvoie pourtant à un mouvement descendant. Est-ce à dire que pour être poète, pour s'élever, il faut aller vers le sol, vers la matérialité, la corporéité ? Notons que Rimbaud utilise le verbe argotique pisser pour provoquer toujours mais aussi pour la sifflante marquée du mot qui imite le bruit que fait le poète en urinant. L'évocation des cieux renvoie encore à l'univers religieux, et Rimbaud urine sur la religion, comme il urine sur la société sclérosée et pudibonde qu'il abhorre. [...]
[...] On peut le supposer. On remarque une forte dramatisation de ce mouvement, qui est mis en scène, mis en exergue, par sa place en tête de vers et par la virgule qui l'isole du reste de la phrase. La participiale précise le nombre considérable de chopes bues, l'accent est mis sur la quantité et cela sous-entend que la vessie du poète doit être bien pleine. La proposition juxtaposée et me recueille en position symétrique à je me tourne permet la mise en scène de l'acte qui va être accompli. [...]
[...] Il s'agit pour Rimbaud, pour mieux provoquer mais aussi pour mieux mettre en œuvre sa conception de la poésie et du monde, de donner une dignité à l'indécence. Le poète lui donne ainsi le droit à l'existence et à la reconnaissance. C'est dans cette visée que le poète utilise encore la forme codifiée du sonnet et en respecte les règles. Cependant, le sonnet se termine sur une ambiguïté : sans la diérèse sur héliotropes mot mis en exergue par sa place en fin de vers et de poème, le vers est bancale. [...]
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