Rhinocéros, acte II, tableau II, Eugène Ionesco, métamorphose de Jean, morale, incompréhension
Le rythme du dialogue frappe par sa rapidité, avec de nombreuses phrases brèves, parfois inachevées (comme l'attestent les points de suspension : lignes 7, 23, 62…), voire pauvres en mots (lignes 14, 31, 50, 52, 54, 69…). De plus, participant à cette animation, les exclamations abondent (lignes 35, 36, 46, 47, 52…), aux côtés d'interdiction (Je vous l'interdis absolument, ligne 18), de formule d'insistance (Je vous dis que ce n'est pas si mal que ça, ligne 35) ou de phrases mordantes (La nature a ses lois. La morale est antinaturelle, ligne 56). Le tout reflète l'étonnement, le besoin d'explication et finalement l'incompréhension qui s'installe entre les deux hommes.
[...] Enfin, tout au long de la conversation, le ton de Jean est plus sentencieux que celui de son ami. Comme cela a déjà été évoqué, ses répétitions véhémentes, ses impératifs et ses nombreuses exclamations marquent des affirmations fortes qui n'admettent pas la contradiction. Les relations entre les deux personnages évoluent donc nettement entre le début et la fin de cet extrait. D'abord familiers et proches [comme en témoignent la formule de politesse cher ami (ligne les occurrences de la première personne du pluriel (nous, lignes ; la nôtre, lignes 38 et 42) ou encore la certitude de Bérenger de connaître (Je vous connais trop bien, ligne 87) les pensées de son interlocuteur], le désaccord entre les deux hommes aboutit à la disparition du pronom nous et à une constatation inquiète de Bérenger (Je suis étonné de vous entendre dire cela ligne 106). [...]
[...] Il s'agit d'ignorer tout ce qui est humain sans jamais laisser entrevoir la moindre faiblesse. Ainsi, l'auteur s'attaque au conformisme qui ne fait que cacher une grande faiblesse intérieure, ce dont fait preuve Jean lorsqu'il se transforme à son tour. En outre, de façon plus délicate et indirecte, l'auteur suggère que la réflexion humaine, figurée par Bérenger, s'avère incertaine, minée par des stéréotypes peu convaincants. Finalement, cet extrait stigmatise les idéologies et exprime le refus d'enfermer l'homme dans un système de valeurs unique. [...]
[...] BÉRENGER Il m'est difficile de dire pourquoi. Ça se comprend. JEAN 35 Je vous dis que ce n'est pas si mal que ça Après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous, qui ont droit à la vie au même titre que nous BÉRENGER À condition qu'elles ne détruisent pas la nôtre. Vous rendez- vous compte de la différence de mentalité ? 40 JEAN, allant et venant dans la pièce, entrant dans la salle de bains, et sortant. Pensez-vous que la nôtre soit préférable ? [...]
[...] JEAN, il sort de la salle de bains. Brrr 85 Il barrit de nouveau. BÉRENGER Je vous connais trop bien pour croire que c'est là votre pensée profonde. Car, vous le savez aussi bien que moi, l'homme JEAN, l'interrompant L'homme Ne prononcez plus ce mot BÉRENGER Je veux dire l'être humain, l'humanisme JEAN L'humanisme est périmé Vous êtes un vieux sentimental ridicule Il entre dans la salle de bains. BÉRENGER Enfin, tout de même, l'esprit JEAN, dans la salle de bains. [...]
[...] T E X T E [ ] BÉRENGER Vous vous trompez, Jean. C'est un ménage très uni, au contraire. JEAN Très uni, vous en êtes sûr ? Hum, hum. Brrr 5 BÉRENGER, se dirigeant vers la salle de bains dont Jean lui claque la porte au nez. Très uni. La preuve, c'est que JEAN, de l'autre côté. Bœuf avait sa vie personnelle. Il s'était réservé un coin secret, dans le fond de 10 son cœur. [...]
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