Littérature, Rhinocéros, acte I, Eugène Ionesco, esprit pseudo-cartésien, Bérenger, jeu scénique
Deux couples évoluent sur scène, l'un plus désincarné que l'autre. Jean et Bérenger se démarquent des deux autres car, s'ils sont identifiés par des prénoms, les deux autres sont désignés plus comme des fonctions que des personnes qui traitent de questions dérisoires (il s'agit là d'un contrepoint comique à la gravité des deux amis). De plus, si l'extrait débute par le dialogue entre Jean et Bérenger (lignes 20 à 24), celui-ci est rapidement interrompu par l'arrivée du Vieux Monsieur et du Logicien dont la conversation va s'imbriquer avec. En effet, le raisonnement concernant le fonctionnement du syllogisme (lignes 51 à 57) se trouve entrecoupé (ligne 59) d'une constatation désabusée de Bérenger sur la difficulté de vivre (Moi, j'ai à peine la force de vivre.). Ensuite, si l'échange des deux premiers prédomine, il est néanmoins coupé par l'autre couple, dont les répliques finiront par conclure l'extrait.
[...] Ainsi, à partir de deux constatations initiales (l'une générale : Le chat a quatre pattes, ligne 52 ; tous les chats sont mortels, ligne 90 ; et l'autre particulière : Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes, ligne 52-53 ; Socrate est mortel, ligne ils aboutissent à une déduction considérée comme infaillible (Donc Isidore et Fricot sont chats, ligne 53 ; Donc Socrate est un chat, ligne 91). Ces exemples soulignent la rigidité du raisonnement, mais aussi son aberration puisqu'ils débouchent sur des non- sens. II- Les intentions de Ionesco Une critique des esprits dogmatiques La conversation entre Bérenger et Jean cristallise l'opposition entre le doute et la certitude, en mettant en scène deux personnages radicalement antithétiques. - Bérenger C'est le doute. Il se caractérise par : . [...]
[...] Je pèse plus que vous. Pourtant, je me sens léger, léger, léger 25 Il bouge ses bras comme s'il allait s'envoler. Le Vieux Monsieur et le Logicien qui sont de nouveau entrés sur le plateau ont fait quelques pas sur la scène en devisant. Juste à ce moment, ils passent à côté de Jean et de Bérenger. Un bras de Jean 30 heurte très fort le Vieux Monsieur qui bascule dans les bras du Logicien. LE LOGICIEN, continuant la discussion. [...]
[...] Cette prise de conscience de la pénibilité de la vie explique la crise d'identité qui déchire Bérenger (Je me demande moi- même si j'existe , ligne 85) . l'incertitude Autre révélateur d'un personnage en crise, le discours de Bérenger est marqué par le doute, les hésitations et les remises en question. Omniprésente, l'incertitude se signale par des négations répétées (Je ne sais pas trop, ligne 7 ; Je ne sais pas si, ligne 19-20), des adverbes (à peine, ligne 59 ; peut-être, ligne 59) et l'interrogation indirecte exprimant l'indécision (Je me demande si , ligne 85). Ainsi, une contradiction apparente (La solitude me pèse. [...]
[...] La société aussi. JEAN, à Bérenger. Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pèse, ou est-ce la multitude ? Vous vous prenez pour un penseur et vous n'avez aucune logique LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien. C'est très beau, la logique. LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur. À condition de ne pas en abuser. BÉRENGER, à Jean C'est une chose anormale de vivre. JEAN Au contraire. [...]
[...] En outre, alors que Bérenger expose un souci personnel, comme l'exprime la récurrence du pronom personnel je dans ses propos, Jean répond par des généralités (ligne 11 ) ou en revenant à lui-même, s'érigeant en modèle (Bérenger, regardez-moi, ligne convaincu de sa supériorité et incapable d'entendre son ami. Conclusion Opposant mal de vivre et rationalité triomphante, Ionesco dénonce ici les dégâts engendrés par l'esprit pseudo-cartésien. Représenté par trois personnages, celui-ci se veut alors le reflet de la majorité bien-pensante et explique le malaise de l'individu en proie au doute que figure Bérenger. [...]
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