Poésie reliée à la fuite en Belgique et dans le nord de la France, "Rêvé pour l'hiver" fut écrit en 1870 "en wagon, le 7 octobre" comme le précise Rimbaud. Le poème retrace une escapade heureuse dont le ton assez joyeux, que nous retrouvons dans d'autres textes de la même période comme "Au cabaret vert", marque cette errance sur les routes de campagne. Ce poème est particulier dans la mesure où nous constatons une dédicace, que nous ne trouvons qu'à deux autres reprises dans l'oeuvre : dans "Ce qu'on dit au poète à propos des fleurs" dédié à Banville et "Les poètes de sept ans" dédié à P. Demeny. L'originalité de cette dédicace est qu'elle ne s'adresse pas à une personne de connue, le pronom personnel "Elle" laissant suggérer l'universalité de la dédicace (...)
[...] Le futur évoque un irréel comme dans les jeux d'enfants je serai ci ou je serai ça L'enjambement sur le vers suivant évoque un bien être qui s'étend, d'autant que Rimbaud introduit une autre couleur dite rassurante comme le bleu. Le poète fait souvent part des couleurs comme dans le poème qui suit avec le cresson bleu et les trous rouges Dans ce sonnet, les couleurs suggèrent un apaisement, une tranquillité d'esprit. Le choix de l'hexamètre met l'accent sur le confort de la situation. Il recentre et intensifie la douceur du lieu. [...]
[...] Nous pouvons tout aussi bien penser que Rimbaud a choisi ce pronom pour ne pas dévoiler le nom ou prénom d'une jeune fille de façon à ne pas la compromettre dans sa fuite en Belgique. Quoi qu'il en soit, la dédicace laisse le lecteur en attente d'un certain genre de poème, que le sonnet, forme traditionnelle de la poésie amoureuse, laisse deviner. Le titre amène ensuite une autre attente face à ce texte et peut orienter l'interprétation sur le sens du elle vers un être plus fantasmé que réel. [...]
[...] Quant aux tercets, ils s'organisent avec deux alexandrins suivis d'un hexamètre. Autre licence par rapport à la tradition du sonnet, Rimbaud choisit des rimes croisées dans les quatrains avec une alternance de rimes féminines et masculines et dans les tercets nous observons le schéma dit marotique (ccd-eed). Ce texte qui prend comme point de départ un voyage en train joue ainsi de mouvement par rapport à la tradition poétique et se détache d'elle, le train représentant une certaine liberté par rapport au carcan de son univers familial. [...]
[...] Le rythme decrescendo imite la phase d'endormissement possible suggérée par l'œil qui se ferme. Le futur change de valeur par rapport à la première strophe. Il s'agit davantage d'un conseil, voire de conjuration pour ne pas se laisser emporter par la peur nocturne. Ce vers suggère qu'il faut tourner le dos à la réalité que l'on peut retrouver par l'expression garder un œil ouvert et que le poète prend une fois de plus à contre sens. L'omniprésence du lexique suggérant la vue (œil, voir, glace) montre la nécessité de ne pas faire face au soir et de s'enfuir dans le sommeil ou le rêve. [...]
[...] Le fait que le verbe Grimacer se trouve en début de vers souligne la crainte de cauchemars. Nous sommes alors dans le grotesque des figures qui prennent forme par l'imagination. A l'atmosphère douillette de la 1ère strophe s'oppose ainsi une atmosphère qui devient inquiétante pour les passagers. Le poète fait passer le lecteur d'un sentiment de sérénité à un sentiment de malaise. Jouant sur les topoi de la littérature fantastique, développée dans cette seconde partie de XIXème siècle, Rimbaud transforme le voyage par le train en voyage dans le fantastique. [...]
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