Au début du XIIIème siècle un modeste seigneur originaire de l'Ain à voulu "estraire" à l'intention de sa dame "un roumant d'un molt biel conte d'aventure". Renaut de Beaujeu s'inscrit dès lors dans une tradition bien établie de son temps. Il est vrai que dès la fin du XIXème siècle, le texte du Bel inconnu a été le lieu privilégié d'une collecte des sources, des emprunts, des motifs folkloriques avec en premier lieu le motif du "Fier baiser". Nous sommes ici en présence d'un extrait de cet épisode (...)
[...] Nous sommes ici en présence d'un extrait de cet épisode. Le Bel Inconnu est arrivé à La Gaste Cité qui encerclée de deux cours d'eau "bruians" (v.2779) présagent le danger qui attend le Bel Inconnu au-delà des murailles ou, autrement dit, symbolisent l'angoisse qui étreint le chevalier avant une étape décisive de sa vie. C'est dans cette ville sans vie, dans son immense palais qui la domine et qui suscite la peur avec ses proportions inhumaines que le héros doit triompher de Mabon et d'Evrain pour délivrer la princesse ensorcelée et les habitants de la ville. [...]
[...] le contact avec l'impur Malgré le caractère diabolique de la chose, le Bel Inconnu défait l'enchantement par contact direct de la bouche. En effet le Fier Baiser exige un contact avec l'impur, ou avec ce qui est censé l'être. Comme nous l'avons vu la guivre est de la famille des serpents qui renvoie à la tentation à laquelle a succombé Eve dans la religion chrétienne. Embrasser un démon, c'est donc transgresser un interdit et risquer la damnation vers 3205 à 3210 dolorous baisier signifie atroce baiser et or sui je trais entresait évoque la trahison qu'il vient de recevoir mais surtout de commettre. [...]
[...] En effet, il est de coutume de retrouver le motif du Fier Baiser dans les contes comme ceux de Charles Perrault par exemple: le prince charmant intervient généralement à la fin du conte pour délivrer une princesse en péril et l'épouser, non sans avoir auparavant franchi vaillamment nombre d'obstacles, combattu une sorcière, bravé un dragon, pénétré une forêt de ronces ou gravi un éperon rocheux. Le personnage est également représenté sous la forme d'une grenouille ou d'un crapaud, prisonnier de cette apparence sous l'effet d'un sortilège. Il doit, dans ce cas, être embrassé par une princesse pour que le sort soit levé. Le motif du fier baiser est donc un motif récurrent de la littérature. [...]
[...] Et si le but de Renaut de Beaujeu est de transcrire un conte merveilleux. I Le fier baiser, un motif récurrent de la littérature médiévale un motif apparenté à la religion Tout d'abord il est essentiel de s'attarder sur la signification de l'expression fier baiser Ici fier signifie cruel, sauvage, terrible Dès le départ Renaut de Beaujeu nous fait part de ce dont il est question, en effet vers 3152 il est dit et quant il vit si fait dyable Renaut de Beaujeu met donc ici en place le lien avec la religion et le pécher. [...]
[...] Renaud de Beaujeu prolonge donc le jeu avec ce groupe ternaire qui comporte toutefois des variantes. A partir de la 3ème approche de la guivre, le Bel Inconnu est comme fasciné par la bouche vermeille toute proche, son regard ne peut s'en détacher. Guinglain laisse s'approcher de lui la guivre enchantée et finira par se faire dérober un baiser. C'est que la bouche est, par le jeu d'homophonie traditionnel, merveille autant que vermeille. Notons également que la mention de la bouche vermeille suggère aussi bien la guivre que la femme. [...]
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