Cʼest dans le couvent de Saint Eutrope que fréquentera Suzanne, que se situe cet épisode où, arrivée depuis peu dans ce nouveau lieu, elle est sollicitée par la Mère Supérieure pour raconter son histoire. Bien que dans une visée séductrice à lʼégard du Marquis de Croismare, le ton pathétique soit caractéristique de lʼensemble de lʼoeuvre, il nʼest que second dans cet extrait et nʼa pour fonction que de mettre en valeur lʼaspect érotique qui domine ici.
Lʼextrait sʼarticule en trois mouvements avec dans un premier temps, une introduction double avec dʼune part la description de la situation de la scène par Suzanne au lecteur et dʼautre part, lʼavertissement à la supérieure de la tonalité pathétique qui dominera le récit quʼelle s'apprête à raconter. Vient ensuite le descriptif des réactions suscitées à la supérieure par le récit lui-même et enfin, la prise de parole de la supérieure qui allie le geste à la parole pour tenter de mener Suzanne à ses desseins et qui se conclue par un retour à lʼintériorité de Suzanne.
[...] Sa volonté est avant tout que lʼon prenne partie pour sa cause et sa naïveté nʼest que voile et simulacre de sa réelle personnalité parfaitement consciente du monde dans lequel elle évolue. [...]
[...] Mais Suzanne se contente dʼun récit descriptif comme si elle ne comprenait pas où sa supérieure voulait en venir et même à la fin de son récit, lorsque la mère reste «pendant quelque temps le corps penché sur son lit, le visage caché dans sa couverture et les bras étendus au-dessus de sa tête», car ce quʼelle vient de vivre est bien un orgasme, Suzanne ne réalise pas la situation et sʼexcuse de lʼavoir amené là . Elle nʼassume pas ou ne réalise pas le désir sexuel de sa supérieur. [...]
[...] En effet, le lecteur nʼest pas dupe de la fausse naïveté de Suzanne. Cette dernière, bien quʼelle affirme tout le long du roman et de ce passage son incompréhension de la situation et de la démarche de la supérieure y voit néanmoins une «maladie» contagieuse quʼelles nʼest pas loin dʼattraper. Lʼutilisation de ce terme montre quʼelle même ne sʼaffirme pas de cette tendance homosexuelle, ce quʼon peut rapprocher à la différence de niveaux où sont assises les deux femmes. En effet, Suzanne renchérit avec suis plus grande et jʼétais plus élevée» ce qui est bien prétentieux du fait de la considération à la fois spatiale mais surtout spirituelle. [...]
[...] Ce détail à plusieurs dimensions est dʼailleurs relevé par Suzanne qui écrit quʼelle dominai(t) un peu». Elle nʼest pas forcé par la supérieure, seulement incitée et reste libre de ses actes. La supérieur la met également en hauteur pour pouvoir mieux la contempler, lʼadmirer ce qui la projète presque à un statut divin et exacerbe lʼadoration quʼelle lui voue. On note également une exagération de la réaction de la supérieure au récit de Suzanne qui dit quʼelle «serai(t) bien fâchée quʼil leur arrivât la plus petite partie des maux quʼelle leur souhaita». [...]
[...] En effet, la supérieure demande dès lʼarrivée de Suzanne à Saint Eutrope de lui raconter son histoire et elle lui promet de la convoquer prochainement dʼoù lʼutilisation du «cʼest aujourdʼhui». Cela révèle lʼanticipation et la projection de la rencontre dans lʼesprit de la supérieure contrairement à Suzanne qui est presque prise au dépourvu. La supérieure à manigancé cet événement et choisi le moment qui lui paraissait le plus propice après avoir dans les scènes précédentes montré à Suzanne lʼattention particulière quʼelle lui portait. [...]
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