Quand Queneau publie le Chiendent, son premier roman en 1933 c'est déjà dans l'optique d'écrire « comme on parle », et par des jeux de langage qu'il le réalise. Membre de l'Oulipo plus tard, il manie les mots et le langage comme des outils avec une grande liberté. Dans le début de son roman Loin de Reuil ce jeu sur le langage qui caractérise l'écriture de Queneau est déjà présent. Ce jeu touche ici particulièrement le (ou les) niveau(x) de langue utilisé(s) : la page qui nous intéresse, l'incipit du roman, même en effet la langue écrite et la langue orale. Ce mélange hétéroclite s'il bouleverse quelque peu l'entrée dans le texte et désarçonne le lecteur, n'enlève pas toutefois pas sa force à l'écriture de Queneau. C'est avec virtuosité que l'auteur allie les deux langages et c'est ce qui crée la spécificité de cet écrit. C'est en effet le clivage entre les deux langues qui permet une prise de distance au texte et qui délivre la finesse avec la quelle les personnages sont saisis, mais c'est aussi leur cohabitation qui crée le comique dont est chargé le texte. Nous verrons donc dans un premier temps en quoi Queneau renouvelle l'écriture de l'incipit, mais aussi en quoi son écriture est efficace pour livrer les informations principales concernant l'intrigue. Enfin nous étudierons la structure du texte, qui est une information en elle-même sur ce que fait l'auteur dans cette page.
[...] Sa présence extra-diégétique a un regard distancié sur eux. Les pensées de Loufifi sont décrites en détail : l'odeur, les souvenirs que cela lui évoque (les forêts), l'analyse de cette odeur arrière-goût stanneux la cause de cette odeur (le récipient), la justification de cette cause (le chariot pour les éboueurs). Les pensées de Lulu Doumer sont également livrées : son avis sur le fait que Loufifi descende les ordures, le fait qu'elle préfère se taire et pourquoi (éviter le dialogue avec un inconnu). [...]
[...] Les premières lignes sont apparemment conformes à un incipit de roman, avec leur langue soutenue malgré une thématique déroutante. L'utilisation du passé simple, qui est le temps du langage soutenu, vient confirmer cette idée. De plus c'est un lexique parfois spécialisé qui est utilisé : une odeur parasitaire une déhiscence un arrière-goût stanneux Le lecteur assiste donc à une scène de palier apparemment banale. Cependant les premières incongruités apparaissent notamment dans la ponctuation. Un mélange des langages apparaît ça «comme vous y allez puis l'omission de virgules qui contribuent à créer un rythme plus rapide. [...]
[...] La structure traduit également l'enfoncement dans le langage populaire et dans la vie privée d'un immeuble et de ses habitants : le but du roman est de raconter au plus près les personnages, en étant au plus près de leur langage, d'où l'importance chez Queneau de l'idiolecte et du sociolecte. À travers l'incipit de ce roman de Queneau, Loin de Reuil, on voit donc bien que l'auteur rend possible l'adaptation du roman et de sa langue à ce qu'il raconte. Il semble clair, dans cet extrait comme dans l'œuvre de Queneau en général, que c'est l'homme dans ses imperfections qui prime sur la rigidité de l'écriture. L'influence existentialiste de Queneau après la guette 1939-1945 est ici évidente. [...]
[...] Raymond Queneau : extrait du début de Loin de Reuil (1944) Quand Queneau publie le Chiendent, son premier roman en 1933 c'est déjà dans l'optique d'écrire comme on parle et par des jeux de langage qu'il le réalise. Membre de l'Oulipo plus tard, il manie les mots et le langage comme des outils avec une grande liberté. Dans le début de son roman Loin de Reuil ce jeu sur le langage qui caractérise l'écriture de Queneau est déjà présent. Ce jeu touche ici particulièrement le (ou les) niveau(x) de langue utilisé(s) : la page qui nous intéresse, l'incipit du roman, même en effet la langue écrite et la langue orale. [...]
[...] Le premier contact entre le texte et le lecteur se fait par les ordures décrites en détails comme on l'a vu. L'auteur choisit ensuite le chariot puis la boîte et le bras viril On voit donc clairement que la présence humaine est réifiée dans le texte, et de cette façon annoncée. Dans une certaine mesure, on peut comparer cet incipit à un incipit de cinéma, très imagé, avec ce qui pourrait être des gros plans ou des plans rapprochés. La première présence humaine est enfin la bonne : c'est par ses yeux que l'on a un aperçu du personnage central qu'est Loufifi. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture