En quoi ce monologue est le lieu d'une communication qui devient biaisée, où le langage s'abolit en image pour devenir une fascination et non plus une argumentation ? Comment cette scène pose le problème de la communication ? Un aveu sous forme détournée ? Le langage devient le moyen de la fascination, se fait image pour réaliser les désirs d'une Femme ? (...)
[...] Un concours de circonstance favorable à l'aveu de sentiments de Phèdre pour Hippolyte. Thésée a été déclaré mort, ainsi elle se libère du péché d'adultère. Phèdre se confesse à Oenone dans une scène antérieure, toujours en poursuivant la logique du non-dit et de l'indiscipline (adultère et inceste) ; mais la verbalisation de ces péchés par Oenone donne forme au fantasme, en le cristallisant dans la parole (ce qui renforce l'aspect de tragédie du langage). Naissance du sentiment de jalousie quand elle apprend qu'Hippolyte aime Aricie. [...]
[...] Chez Racine, il y a inversion du schéma traditionnel d'identification du père au fils. La monstruosité : Mais Phèdre est en plus monstrueuse car elle rajoute le blasphème et le sacrilège en déifiant Hippolyte et renverse même l'ordre des filiations : elle utilise le mythe du Labyrinthe pour suggérer un autre mythe et renforcer encore plus sa faute. Aller au labyrinthe, est aller aux enfers, et elle compte ramener Hippolyte à la place de Thésée. Autrement dit, cette image lui permet d'avouer un amour interdit, car c'est le lieu de réalisation fantasmagorique de ses désirs. [...]
[...] Dans la tragédie de Sénèque, cette scène d'aveu est inexistante. C'est seulement Ovide qui rédige la lettre de Phèdre à Hippolyte dans les Héroïdes, ensemble de lettres d'amour entre grandes figures de la littérature. Ce mode de fonctionne a priori sans dangers. Or Phèdre, dans cette scène de la pièce, décrit son amour : elle produit sous les yeux d'Hippolyte une image sensuelle, elle recrée une image fantasmagorique de lui. Racine reprend donc le même mode de fonctionnement que celui dans la lettre d'Ovide (on retrouve certains vers ou expressions similaires). [...]
[...] Cela introduit un blasphème et un sacrilège en comparant Hippolyte et un dieu. Cela est maladroit parce que cela risque pour Hippolyte de succomber à l'image de lui. Cette scène est analysée par Gide dans les Interviews imaginaires : il est possible que ce soit Hippolyte qui justifie charnellement les transports de Phèdre : sa beauté, l'éclat de sa jeunesse, doivent en quelques mesure expliquer [ses aveux], les motiver Le metteur en scène J.L Barot dira l'aimantation des corps qui joue sur le désir de Phèdre L'aveu est rendu possible parce que Phèdre met en place une stratégie langagière involontaire : son discours laisse malgré elle transparaître ses sentiments, mais ce n'est jamais un aveu frontal. [...]
[...] Une autre faiblesse de cet homme est soulignée par Claudel : Si c'était Phèdre qui reculait et Hippolyte qui comme fasciné et ne sachant pas ce qu'il fait, insensiblement, lentement, qui pas à pas va vers elle et tout à coup il s'aperçoit de cet attrait affreux auquel il est sur le point de succomber La mort du personnage d'Hippolyte : Cette hypothèse nous est suggérée par la présence et le silence tout au long d'un second personnage, Oenone. Elle apparaît comme tétanisée devant un être à la dérive. En effet, on remarque qu'Hippolyte est éliminé par le texte. Tout d'abord effacé par Racine du titre de la pièce, à l'origine appelée La tragédie d'Hippolyte puis transformé en Phèdre. Ensuite, lors du récit de la mort d'Hippolyte, on nous décrit l'image d'un personnage déjà mort et évacué par la scène (prise de parole extrêmement rare après cet aveu . [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture