Ayant vu passer, au milieu de la nuit, entourée de soldats, Junie, jeune femme qu'il faisait enlever pour des raisons politiques, le jeune empereur Néron n'a pu trouver le sommeil : il est tombé amoureux. Racine, dans cette longue tirade de l'acte II de Britannicus où un adolescent raconte à un adulte les circonstances de la naissance de sa passion, fait d'une pierre deux coups : il saisit l'occasion de ce récit pour brosser un portrait de Néron qui, on le sait, a laissé à l'histoire le souvenir d'un esthète et d'un monstre ; mais, à travers les attitudes et paroles de Néron, Racine peint aussi le comportement universel des passionnés.
Justification du plan
Qui parle, devant qui, comment ? Le présent récit informe beaucoup plus sur le récitant que sur les faits. Il dépasse aussi le cas particulier de Néron pour atteindre l'universel : portrait de Néron, psychologie de la passion.
I. Portrait de Néron
A. Un adolescent qui se confie
1) Symptômes
Un discours, on le sait, informe parfois autant sur celui qui le prononce que sur la réalité qu'il est supposé présenter. Il n'est pas indifférent non plus de savoir à qui ce discours s'adresse ; et l'on peut dire pour commencer que le jeune empereur, quelque peu troublé par une émotion nouvelle, se tourne ici vers l'adulte Narcisse, entre autres raisons, pour chercher du réconfort. Fort curieusement, comme le patient devant le médecin, Néron n'omet, devant Narcisse, aucun symptôme susceptible de fournir un éclairage utile. C'est ainsi que nous sont énumérés des troubles : "ma voix s'est perdue", "saisi d'un long étonnement" (étonnement garde au XVIIe siècle un sens proche de "coup de tonnerre"), "de son image en vain j'ai voulu me distraire".
2) Appel
De plus, comme pour hâter une guérison espérée, Néron glisse même à son interlocuteur une hypothèse propre à dissoudre l'illusion, à minimiser l'effet de la rencontre (...)
[...] Il n'est pas indifférent non plus de savoir à qui ce discours s'adresse ; et l'on peut dire pour commencer que le jeune empereur, quelque peu troublé par une émotion nouvelle, se tourne ici vers l'adulte Narcisse, entre autres raisons, pour chercher du réconfort. Fort curieusement, comme le patient devant le médecin, Néron n'omet, devant Narcisse, aucun symptôme susceptible de fournir un éclairage utile. C'est ainsi que nous sont énumérés des troubles : ma voix s'est perdue saisi d'un long étonnement (étonnement garde au XVIIe siècle un sens proche de coup de tonnerre de son image en vain j'ai voulu me distraire Appel De plus, comme pour hâter une guérison espérée, Néron glisse même à son interlocuteur une hypothèse propre à dissoudre l'illusion, à minimiser l'effet de la rencontre : Mais je m'en fais peut-être une trop belle image / Elle m'est apparue avec trop d'avantage / Narcisse qu'en dis-tu ? [...]
[...] Racine, dans cette longue tirade de l'acte II de Britannicus où un adolescent raconte à un adulte les circonstances de la naissance de sa passion, fait d'une pierre deux coups : il saisit l'occasion de ce récit pour brosser un portrait de Néron qui, on le sait, a laissé à l'histoire le souvenir d'un esthète et d'un monstre ; mais, à travers les attitudes et paroles de Néron, Racine peint aussi le comportement universel des passionnés. Justification du plan Qui parle, devant qui, comment ? [...]
[...] Un esthète Désir de briller Ces paroles, cependant, nous révèlent d'autres aspects, assurément plus permanents, de son être. Ce qui frappe en effet, plus que tout, dans ce récit, c'est le caractère extrêmement élaboré de la facture ; Néron apparaît sans aucun doute ici préoccupé de briller aux yeux de Narcisse. Rôle de l'émotion esthétique Mais il faut aller plus loin dans l'interprétation de la recherche extrême de ce récit : c'est en effet surtout parce qu'il a été frappé par la beauté de la scène qui l'a laissé sans voix, que Néron trouve ici les accents d'un poète. [...]
[...] Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce ; J'employais les soupirs; et même la menace. Voilà comme, occupé de mon nouvel amour, Mes yeux, sans se fermer, ont attendu le jour. Mais je n 'en fais peut-être une trop belle image ; Elle m'est apparue avec trop d'avantage. Narcisse, qu'en dis-tu ? Introduction : présentation du texte et annonce du plan 4 I. Portrait de Néron 5 A. Un adolescent qui se confie 5 Symptômes 5 Appel 6 B. [...]
[...] Sa volubilité en témoignerait à elle seule suffisamment. Conclusion : rappel de I et II ; richesse inégalée de l'analyse racinienne Ces vingt-cinq vers de Racine sont, on le voit, d'une très grande richesse : offrant le portrait d'un jeune empereur vulnérable, esthète, et tenté par le plaisir de la cruauté - et de l'histrionisme, l'auteur excelle à développer les harmoniques de la situation et l'ambiguïté des propos. Le monstre naissant qui, avec complaisance, raconte son coup de foudre à Narcisse, tout en se révélant, nous révèle à nous-mêmes, car on ne peut mieux dire la cruauté de la tendresse, la ruse de la passion qui s'augmente des obstacles qu'on lui prétend opposer, et le rôle de l'émotion esthétique dans le déclenchement de l'amour. [...]
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