Ce prologue introduit le Pantagruel de Rabelais (1532). Le narrateur Ascolfribas Nasier, fictionnel, est le témoin des aventures du géant. Il présente son oeuvre comme un remède contre de nombreux maux dont la syphilis. Bonimenteur, historien, il affirme au lecteur la véridicité des faits qu'il raconte, alors que ceux-ci sont entièrement fictifs. La tonalité est légère, comique.
Ce prologue est en fait, selon Genette, une préface fictionnelle. Elle parodie l'utilité véridique des romans historiques. Elle guide le lecteur sur le chemin de la fiction, car son pacte de lecture s'inscrit dans la tradition romanesque. Elle revêt plusieurs fonctions : elle commente le titre, noue le contrat de fiction et définit le genre. En plus de faire la satire des genres considérés comme nobles, elle pose sur un pied d'égalité ces genres et le romanesque. A travers l'étude de ces procédés innovants, nous nous demanderons dans quelle mesure l'auteur se pose en artisan de la fiction.
L'étude sera développée en respectant la structure initiale du texte. Nous étudierons donc les trois derniers paragraphes de ce prologue dans trois parties distinctes.
[...]
? La première phrase est construite par une proposition coordonnée à laquelle est subordonnée une proposition subordonnée relative. Cette construction permet d'induire la comparaison "comparer celuy dont nous parlons". La comparaison participe aux procédés hyperboliques employés par Rabelais. Elle sous-entend, en effet, qu'aucun ouvrage ne peut être comparable aux chroniques.
? L'inversion sujet-verbe "bien vray est-il", met en relief l'adverbe, et donc le propos du discourt. Les ouvrages évoqués sont en somme mis au second plan, leur caractère occulte au premier.
? Certains de ces ouvrages ont des prétentions à être historiques. Le narrateur pose son récit comme étant plus véridiques que ces récits (via l'emploi de la comparaison), alors que ses chroniques "historiques" sont tout aussi invraisemblables. Il fait donc co-exister sur un même plan la fiction et la réalité : les chroniques sont fictives, mais les ouvrages sont pour certains réels. Cette dualité dessert le registre parodique et satirique qu'il emploie, tout en participant aux procédés hyperboliques. Qui croirait que l'histoire d'un géant eut pu être réelle ? Au temps de Rabelais, fiction et réalité s'emmêlent, et sont souvent indissociées et indissociables l'une de l'autre (...)
[...] S'agit-il, dans ce prologue, de développer un monologue délibératif, en mettant en tension le langage dramatique, argumentatif, et romanesque ? L'aspect théâtral est certainement inspiré par les sotties : théâtre carnavalesque né dans les milieux contestataires étudiants. Le bonimenteur renvoie aussi à la farce romanesque. En associant la farce au récit sacré et épique, Rabelais amorce l'alliance du grotesque et du sublime. Le narrateur se présente comme l'esclave du peuple et serviteur de Pantagruel : le sème de la servitude crée un effet d'isotopie. [...]
[...] Les ouvrages évoqués sont en somme mis au second plan, leur caractère occulte au premier. Certains de ces ouvrages ont des prétentions à être historiques. Le narrateur pose son récit comme étant plus véridiques que ces récits (via l'emploi de la comparaison), alors que ses chroniques historiques sont tout aussi invraisemblables. Il fait donc co-exister sur un même plan la fiction et la réalité : les chroniques sont fictives, mais les ouvrages sont pour certains réels. Cette dualité dessert le registre parodique et satirique qu'il emploie, tout en participant aux procédés hyperboliques. [...]
[...] Qui croirait que l'histoire d'un géant eut pu être réelle ? Au temps de Rabelais, fiction et réalité s'emmêlent, et sont souvent indissociées et indissociables l'une de l'autre. Présenter son œuvre comme vraie, est en fait une stratégie romanesque fondée sur un paradoxe, permettant d'affirmer le caractère fictif de l'œuvre tout en lui conférant une dimension comique. En usant du paradoxe, le récit fabuleux est de fait mis en exergue sous la plume de l'auteur. Le verbe parlons pourrait avoir un second sens et induire un deuxième niveau de lecture. [...]
[...] En outre, il est l'esclave du Roi et du peuple. Rabelais interroge-t-il son lectorat sur le statut de l'auteur ? Un récit multifacette Car ne croyez pas ( ) de mes parents : Cette partie du discours est argumentative. Les connecteurs logiques : car et comme la disposition des idées, l'emploi d'une comparaison comme saint Jehan de l'Apocalypse comme les Juifs de la Loy qui sont aussi des arguments d'autorité, et l'argument d'expérience dès que je fus hors de page sont d'autant de marqueurs du genre. [...]
[...] D'ailleurs, l'hyperbole le dessert : le langage fictif est associé au langage hyperbolique. Ainsi, le fond est dévoilé et amplifié par la forme du texte. Derrière le masque du narrateur, la plume aiguisée de l'auteur se moque des genres nobles, tout en imposant son style satyrique. L'auteur se pose ici comme l'artisan de sa fiction, l'abstracteur de quintessence de l'alchimie romanesque. [...]
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