Rabelais est, avec Montaigne, l'un des plus grands auteurs humanistes du 16ème siècle. Ses oeuvres, et Gargantua en particulier, publié en 1534, traduisent le profond optimisme propre à l'humanisme. En effet, elles retranscrivent son idéal fait de science et de sagesse, qui consiste à savoir mener une vie saine selon la nature. L'extrait qui nous est proposé, tiré du chapitre 57, illustre cette pensée. Pour Frère Jean, le géant Gargantua a bâti l'abbaye de Thélème. Celle-ci est régie par une règle : « Fais ce que tu voudras ». Cette abbaye est dépourvue de murs extérieurs et n'a aucune horloge.(...)
[...] La vie à Thélème est loin d'ôter aux femmes leur charme : bien au contraire, elles sont habiles en tout, comme tend à le prouver le vocabulaire à connotation méliorative : propres mignonnes doctes honnête et libre l.28-l.33 : ces femmes semblent donc tout naturellement destinées à faire le bien des thélémites. A cet égard, la société des thélémites prédispose les êtres au bonheur conjugal. Hommes et femmes ont la liberté de sortir du monastère, ce qui s'oppose bien sûr à la règle stricte qui exige un renoncement au monde. Ancien bénédictin, Rabelais connaît bien ces contraintes : nous pouvons alors parler de registre satirique, puisqu'il blâme ici les contraintes de la vie monastique. [...]
[...] C'est, pour Rabelais, le moyen de faire confiance dans la grandeur de la nature humaine, en parfait humaniste. Rabelais blâme ainsi les contraintes de la vie monastique. Pour lui, elle ne permet pas l'épanouissement de l'homme, d'où son rêve d'une abbaye idéale. Plus généralement, il est évident que cette liberté totale ne serait possible que si elle s'adressait à des êtres naturellement bons, voire parfaits. C'est en cela que nous pouvons dire que ce texte reflète évidemment beaucoup plus un idéal qu'une réalité, et que nous évaluons toute l'originalité de la pensée profondément optimiste de Rabelais. [...]
[...] - enfin, Rabelais décrit la supériorité de ces êtres sur le commun des mortels. En effet, par l'utilisation du pronom personnel nous incluant le lecteur, il décrit l'homme comme naturellement attiré par ce qui lui est défendu, interdit. Or, les thélémites parviennent à enfreindre ce joug de servitude Les thélémites sont donc, par nature, des privilégiés que tout pousse vers le Bien et qui repoussent toutes les tentations qui les soumettraient au Mal. II L'admirable concorde des thélémites vivant selon cette règle : Chacun devient un exemple pour l'autre, car tous ne pensent qu'à bien faire. [...]
[...] Le verbe travailler semble d'ailleurs un peu perdu au cœur de cette énumération dans laquelle la plus grande place est laissée aux instincts matériels. Enfin, l'accumulation d'adverbes de négation, nul ne nul ne ni ni ni illustre cette parfaite absence de contraintes. l.6 : fais ce que voudras est la seule règle de l'abbaye, qui est en fait une absence de toute règle. L'impératif utilisé ici signifie que c'est une obligation que de faire ce que l'on souhaite. Cela semble ainsi ouvrir la voie à toutes sortes d'excès, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que d'une liberté totale. [...]
[...] En effet, l'anaphore de la conjonction si insiste sur cette totale complicité. Cette anaphore se double d'ailleurs d'un rythme binaire : Buvons . tous Jouons . tous Allons . tous Ce rythme binaire montre que lorsqu'une décision est prise par un, elle est valable pour tous, et entendue par tous. Enfin, dans la description du départ pour la chasse, nous voyons que Rabelais évoque des membres de la noblesse, de l'aristocratie, comme le prouvent les termes : haquenées palefroi gorrier engantelé épervier laneret émerillon oiseaux Cette chasse avec les rapaces étant réservée à cette classe sociale, nous avons un charmant tableau de cette réalité aristocratique de l'épique. [...]
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