Rabelais est un écrivain et médecin français du seizième siècle, qui reçut la prêtrise et se livra à l'étude approfondie des langues anciennes. Ses deux principales oeuvres, Gargantua et Pantagruel, furent à la fois énormément lues et critiquées pour leur grossièreté apparente. Baudelaire écrit dans l'Essence du Rire : « Rabelais, qui est le grand maître français en grotesque, garde au milieu de ses plus énormes fantaisies quelque chose d'utile et de raisonnable. Il est directement symbolique. Son comique a presque toujours la transparence d'un apologue ». En d'autres termes, le comique rabelaisien a quelque chose de symbolique qui servirait à l'intégration d'une idée ou d'une critique.
Dans quelle mesure Rabelais, via le ton comique, fait-il valoir des réflexions réformatrices qui font de lui un des précurseurs de la pensée humaniste ?
Pour répondre à cette question, nous parlerons du comique rabelaisien pour ensuite étudier le Rabelais moraliste qui en ressort ; dans une troisième partie, nous verrons en quoi nous pourrions parler d'un comique indéfinissable au sein de Gargantua. (...)
[...] Le poète avait sans doute cerné le caractère insaisissable du comique rabelaisien en l'évoquant dans l'Essence du Rire. Si on applique le quelque chose à une essence une part de ce comique est transcendant, indéfinissable ; symbolique certes puisque directement suggestive, mais pas clairement ni aisément explicable. Il est dit dans le Dictionnaire fondamental du français littéraire que le symbole fait référence à une réalité qui se voit attribuer la capacité de représenter autre chose qu'elle-même Le comique de Rabelais vise la satire et l'agréable ; de ce fait, il est symbolique de ce que l'apologue représente. [...]
[...] Il s'agit plus exactement du rire pour rire : son unique finalité est le rire joyeux et désintéressé ou tout du moins, il ne vise que l'agréable. C'est un rire innocent, expression d'un sentiment de supériorité de l'Homme mais qui persiste à être une gentille moquerie. De ce fait, le comique de Rabelais rejoint la théorie du poète. Ce comique, via l'obscénité en particulier, ne pourrait rien viser d'autre sinon le rire en lui-même. C'est pourquoi Baudelaire parle d'agréable C'est sans doute grâce à autant de légèreté que le roman de Rabelais a perduré pendant des siècles. [...]
[...] Gargantua châtie le peuple de Paris par le genre de plaisanteries qui fait rire ce même peuple. C'est un peu ce qu'on appelle dans un registre courant le principe de l'arroseur arrosé L'étymologie de soubriant rappelle que le sourire est un rire caché car par en dessous et donc typique de l'ironie. C'est un rire dissimulé, intérieur, celui qui juge les actions des hommes. Remarquons que Gargantua se situe entre réalisme et symbolisme dans le sens où la fiction s'enrichit de ce qu'elle trouve dans la réalité. [...]
[...] Nous pouvons donc nous poser la question des véritables enjeux de Rabelais. Et elle se pose d'autant plus que ses romans sont comiques. Pourquoi un érudit, de surcroît homme d'église et médecin, publie-t-il de tels livres ? Baudelaire avait écrit, toujours dans l'Essence du Rire : le comique est au point de vue artistique, une imitation ; le grotesque, une création [ Le grotesque domine le comique De ce fait, il déclenche le rire par son aspect contrefait et ridicule à l'excès ; il devient donc comique significatif et non plus comique absolu Pastichant au début, Rabelais en vient à une amère parodie, qui, à la différence du pastiche, est nettement plus satirique. [...]
[...] L'auteur le fait remarquer en faisant passer Gargantua de l'animalité grossière à la grandeur intellectuelle. Le mythe, la fiction apparaît ici comme un instrument essentiel pour critiquer l'éducation scolastique, les moines et la Sorbonne en particulier, fermement opposée à toute évolution de l'enseignement. C'est donc ici que transparaît le Rabelais moraliste : via un récit semblable à l'apologue, l'auteur défend des idées morales, chères aux humanistes. Rabelais développe le principe du serio ludere : la plaisanterie porteuse de vérité et stimulatrice de réflexion, sous la couverture de l'apologue. [...]
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