Le chapitre XXXX se situe au coeur des guerres picrocholines, mais l'on marque néanmoins ici une pause dans les affrontements. Le combatif Frère Jean a précédemment vaillamment sauvé son coin de vigne des assaillants, faisant preuve de bravoure et d'impartialité. L'action de ce passage se situe alors qu'il soupe en compagnie de Gargantua - qui l'a chaleureusement félicité, ainsi qu'avec Grandgousier, Gymnaste, Ponocrates et Eudémon. Ce chapitre se présente sous forme d'un dialogue tenu autour d'une table, alors que les protagonistes soupent joyeusement. Toutefois, sous cette apparence plaisante et légère, l'on peut distinguer une vive attaque contre les moines. Ce passage s'articule entre autres autour d'une opposition majeure : opposition entre ce qui se dit au sujet des moines - considérés comme gens inutiles voire nuisibles - et la personne de frère Jean, qui lui n'est absolument pas un oisif. Rabelais construit donc ici une sévère critique à l'encontre des moines, peut-être les moins bons chrétiens d'entre tous les hommes, laisse entendre son rapprochement avec le protestantisme qui conteste l'intercession des moines. Dans un dernier temps du texte, le motif du nez fait son apparition, la question étant de savoir pourquoi frère Jean est doté d'un si beau nez.
[...] Nez de frère Jean semblable à du cuir, comme imperméable, "antidoté de pampre" : faut-il voir par là une allusion comique au goût du moine pour le vin ? - Devinette de Gargantua ƒ devinettes très en vogue à l'époque de Rabelais > ironie ? Plusieurs réponses à cette devinette : Pour Grandgousier, frère Jean tient son beau nez du "divin arbitre" ƒ l'homme est dépendant de son Créateur. Pour Ponocrates, il l'a eu à la "foire des nez" > comique. Frère Jean dément catégoriquement : pour lui la forme du nez dépend des seins de la nourrice. [...]
[...] Ce n'est pas une oraison, mais un "moque-Dieu" ; ils ne prient pas par croyance mais par intérêt matériel (de "peur de perdre leurs miches et soupes grasses"): accusation très violente : dépravation des moines, foi feinte, matérialisme ƒ contraire à ce que sont censés observer les moines. - Centre du passage : Rabelais rejette l'intercession des moines ƒ Tout bon chrétien prie lui-même Dieu (les moines ne sont pas de bons chrétiens mais se moquent de Dieu sans avoir besoin d'intermédiaire (sinon l'Esprit). La grâce de Dieu se manifeste à eux directement. [...]
[...] Conclusion C'est un passage plaisant à lire, illustrant bien l'humour de Rabelais que ce chapitre XXXX et ces propos de gens qui ripaillent joyeusement. Mais il convient d'"ouvrir le livre et de peser ce qui y est déduit", comme l'auteur nous invitait à le faire dans le prologue. Sous cette allure plaisante et joyeuse, tel un silène, ce texte renferme une critique fort sérieuse et très virulente des moines contemporains de Rabelais, gens dépeints ici comme des oisifs, parasites agissant à l'encontre de la moralité chrétienne, dépravés, préoccupés par des questions matérielles. [...]
[...] - Gargantua approuve, puis entreprend de remonter aux sources de cette mise au banc des moines. Selon lui, cela tient indiscutablement à ce que les moines "mangent le merde du monde, c'est-à-dire les péchés". S'en suit une parallèle très critique des moines et de leurs abbayes/couvents avec les excréments et les latrines ƒ Si les moines sont tenus à l'écart, reclus dans leurs couvents, c'est pour la même raison qui fait que les latrines sont écartées de la maison. > Cette critique des moines peut néanmoins sembler paradoxale. [...]
[...] Thèse d'une grande puissance mais avancée de façon très rapide, en une demi-réplique de Gargantua, qui s'intéresse ensuite au cas particulier de frère Jean. II- Frère Jean des Entommeures ou le portrait en négatif de ses pairs - A l'inverse des autres moines, "chacun le souhaite en sa compagnie" pour cette raison qu'il possède nombre de qualités manquantes à ses homologues, qui plus est les qualités essentielles qui font d'un homme un bon chrétien : "il travaille, défend les opprimés, conforte les affligés, subvient les souffreteux" ƒ sorte de résumé de la morale chrétienne : labeur, justice, humanité, charité. [...]
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