Le chapitre XLIV de Gargantua se situe au coeur de chapitres consacrés à la guerre entre Gargantua et Picrochole qui a débuté suite au chapitre XXV, lorsque des fouaces furent volées dans le royaume de Picrochole. Le chapitre XLIV prend pour personnage central le moine Frère Jean des Entommeurs qui depuis déjà plusieurs chapitres, est devenu le héros du roman Gargantua. Il fait écho au chapitre XXVII intitulé "Comment un moine de Seuillé sauva le clos de l'abbaye du sac des ennemis" en mettant de nouveau Frère Jean dans une situation de combat où il doit faire face seul contre tous.
Le passage se divise en trois parties distinctes : d'abord Frère Jean des Entommeurs est dans une position délicate puisqu'il est retenu prisonnier par deux archers. Ayant conservé son arme, il parvient à tuer un premier garde. C'est à ce moment là que débute le deuxième mouvement du texte, constitué par un dialogue entre le moine et le second garde, qui se solde par la mort de celui-ci. Enfin le troisième mouvement du texte est consacré au combat que mène Frère Jean contre les derniers combattants de Picrochole encore en vie après le passage de Gargantua.
Placé sous l'angle de la parodie, nous pourrons nous demander en quoi ce combat entre Frère Jean des Entommeurs et les ennemis de Gargantua apparaît, au delà du comique de la scène, comme une lutte entre le courage et la lâcheté humaine, et contribue à faire du moine un noble chevalier.
Tout d'abord nous verrons en quoi on peut parler de "carnage joyeux" à propos de ce chapitre. Puis nous étudierons le combat du courage contre la lâcheté humaine, qui est implicitement mis à l'oeuvre ici. Enfin nous nous pencherons sur la figure de Frère Jean, qui apparaît non pas comme un moine mais un noble chevalier.
Pour qualifier le chapitre XLIV de Gargantua, Mireille Huchon emploie une oxymore intéressante, qualifiant ce passage du roman comme un "carnage joyeux". On peut en effet noter que ce chapitre, bien que placé sous le signe d'un combat sans merci, apparaît bien plus comique que tragique. Comme pour d'autres chapitres, celui-ci, que l'on peut rapprocher du premier combat de Frère Jean (...)
[...] On trouve aussi un comique de mot dans les jeux de mots et hyperboles que le second garde et Frère Jean des Entommeurs s'échangent au cours du dialogue. Comme hyperboles on pourra citer mon bon amy mon mignon que Dieu vous face abbé mon bon petit seigneur le Priour qui donnent un aspect ridicule et au garde et au moine. Pour les jeux de mots, il faudra regarder du côté des répliques de Frère Jean, qui joue avec les termes employés par l'archer. [...]
[...] Par l'habit (disoit le moyne) que je porte, je vous feray icy cardinal Enfin en dernier jeu de mots, on notera l'usage d'un même terme dans deux sens différents : l'archer dit : je me rends à vous ! ( le sens est donc se donner à quelqu'un) et Frère Jean réplique : Et je te rends (dist le moyne) à tous les diables (rend signifie ici retourner). Enfin on peut parler de carnage joyeux dans la mesure où le combat livré par le moine est effectué, comme nous l'avons vu avec aisance : il lui suffit de quelques coups de braquemart pour que tous les ennemis trépassent. [...]
[...] Ce sont les ennemis qui ont peur d'un homme seul et c'est ce dernier qui fait preuve d'intelligence et de témérité pour aller vaillamment vaincre l'armée de Picrochole et venir au secours de ses amis menacés par l'arrivée de cette armée. Le dialogue entre le garde et Frère Jean est révélateur de cette lâcheté qui se poursuit ensuite dans l'image donnée par la troupe, se fuyant elle-même et n'arrivant pas à triompher du moine qui ressemble au David ou à Ulysse, luttant contre Goliath ou le Cyclope et triomphant par sa ruse couplée cependant ici à sa force. Frère Jean des Entommeurs semble alors prendre les traits d'un noble chevalier. [...]
[...] non, Monsieur le Priour, mon bon petit Seigneur le Priour Mais la peur et le ridicule du garde son prétexte à la moquerie pour le moine qui se joue de l'archer en imitant ses tournures de phrases : Monsieur le Posteriour son ton : Et le Moyne cryoit de mesmes et en jouant avec les mots, avant de finalement le tuer à son tour. Pour finir, la lâcheté de l'armée de Picrochole apparaît dans cette sorte de réécriture de David contre Goliath où le moine fait face contre la masse de l'armée en déroute qu'il reste et parvient à triompher. [...]
[...] Enfin Frère Jean des Entommeurs apparaît comme un moine peu catholique puisqu'il tue sans vergogne et ne cède pas aux prières : Tant en tua et mist par terre pensa en soy mesme que c'estoit assez massacré et tué . acte surprenant que de voir un moine non pas aider à l'approche de la mort les gens, mais au contraire leur donner la mort. Frère Jean des Entommeurs apparaît donc comme un moine combattant. Dans ce chapitre, il est tout en actes et en actions, n'ayant peur de rien. [...]
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