Le XVIIe siècle n'a pas déployé une grande politique d'expéditions et de grands voyages ; en revanche, dans l'imaginaire de ce siècle, la thématique du voyage s'impose comme métaphore obsédante. Les voyages imaginaires contribuent non à la connaissance du monde mais à la connaissance d'un univers intérieur, du « moi ». Les Pensées de Pascal réinvestissent le motif du voyage pour interroger le « fond de l'homme » et sa place dans l'univers.
A l'âge classique, un sentiment ne quitte pas les hommes : la vie n'est qu'un passage ; le monde, un théâtre dans lequel évoluent des êtres mortels et fragiles. Ainsi, chez Pascal, nous verrons que le voyage est une image de la vie terrestre, métaphore par excellence de la condition humaine. Ensuite, que l'amour du voyage est stigmatisé par le moraliste comme signe de notre instabilité et de notre inquiétude ; enfin, nous montrerons que Pascal utilise ce sentiment aigu de l'instabilité tragique de l'existence pour mener l'incroyant à Dieu.
[...] En quoi le motif du voyage figure-t-il bien la condition humaine dans Les Pensées de Pascal ? Le XVIIe siècle n'a pas déployé une grande politique d'expéditions et de grands voyages; en revanche, dans l'imaginaire de ce siècle, la thématique du voyage s'impose comme métaphore obsédante. Les voyages imaginaires contribuent non à la connaissance du monde, mais à la connaissance d'un univers intérieur, du moi Les Pensées de Pascal réinvestissent le motif du voyage pour interroger le fond de l'homme et sa place dans l'univers. [...]
[...] L'imaginaire du voyage s'inscrit ainsi dans la stratégie apologétique que déploient les Pensées. III- Voyager et convertir Une rhétorique du flux et du reflux: un voyage intérieur tourmenté L'apologiste tente de perdre l'homme dans son labyrinthe intérieur. En effet, sous la plume pascalienne, l'intérieur de l'homme apparaît comme un tissu de contradictions. Contrairement à l'essence divine, le moi humain est voué à l'instabilité. Quand il cherche à cerner l'essence de l'homme, le moraliste se heurte à l'impossibilité patente de toute définition: quelle chimère est-ce donc que l'homme, quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige, juge de toute chose, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur, gloire et rebut de l'univers? [...]
[...] Au cours de ce voyage intérieur, l'homme ne peut qu'être saisi de vertige. Séjours au pays de l'Erreur Pascal va finir d'épuiser l'homme et plus encore l'incroyant en le faisant déambuler au sein de différents systèmes philosophiques ou religieux afin de lui en montrer les faiblesses patentes. Il faut d'abord épuiser les voies philosophiques qui ne mènent nulle part pour ensuite disposer l'impie à se tourner vers Dieu. Pascal s'attelle donc à montrer l'incapacité de tous les systèmes philosophiques à établir une vérité absolue: L'un dit que le souverain bien est en la vertu, l'autre le met en la volupté, l'autre à suivre la nature, l'autre en la vérité ( ) l'autre en l'ignorance totale, l'autre en l'indolence, d'autres à résister aux apparences, l'autre à n'admirer rien ( ) Nous voilà bien payés (fr. [...]
[...] Le motif du voyage est donc bien essentiel dans les fragments des Pensées au programme. En effet, il permet de ressaisir les grands enjeux de l'œuvre que sont le discours sur l'homme et la visée apologétique du texte. Métaphore de l'existence chrétienne et occupation envahissante qui mène l'homme sur la voie du divertissement au lieu de celle de la conversation, l'image du voyage manifeste bien la propension de l'homme à se perdre et à se détourner de Dieu. Mais Pascal sait jouer de l'image et l'utiliser à son profit en utilisant une stratégie apologétique novatrice fondée sur le détour et l'errance. [...]
[...] L'écoulement de la vie Dans les perspectives biblique et pascalienne, ce motif du voyage n'est pas valorisé: en effet, il connote le passage, l'écoulement, signes de la précarité et de la misère de la condition de l'homme. Pascal affirme que nous sentons couler le temps et que cet écoulement nous semble injuste (fr. 122). Nous regrettons sans cesse la finitude des êtres et des choses. Un imaginaire en diptyque se met par conséquent en place: aux choses humaines, placées sous le signe de l'éphémère et du mouvement perpétuel (fr.52), s'oppose la solidité divine, ce qui ne s'écroule pas. Si l'homme passe, la religion s'appuie au contraire sur des fondements solidement établis (fr. [...]
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