« Tous les hommes recherchent d'être heureux », nous dit Blaise Pascal. En toute logique, dans le cadre d'une œuvre réaliste et, qui plus est, un roman de formation, les personnages, importants du moins, recherchent intensément le bonheur. D'ailleurs, ce mot apparaît plus de cent cinquante fois dans l'œuvre sur laquelle nous allons nous pencher : Le Rouge et le Noir de Stendhal… Cette recherche concerne majoritairement trois personnages : Julien Sorel, Mathilde de la Mole, et Madame de Rênal. Il s'agit de trois « héros » de Stendhal, qui paraissent caractériser ce que Léon Blum a appelé en 1914 le « beylisme », cette attitude consistant à rechercher énergiquement et passionnément le bonheur. C'est sur ces trois personnages que nous nous concentrerons en grande partie.
Le bonheur, selon le Littré, est un « état heureux, état de pleine satisfaction et de jouissance. ». La quête est « l'action par laquelle on cherche ».
À travers le roman d'une tentative d'ascension sociale doublée d'aventures amoureuses, Stendhal pose un problème philosophique en arrière-plan. Ses personnages principaux sont obnubilés par le bonheur. Il s'agira de se demander quelle est la nature de cette recherche éperdue qui sous-tend la totalité du roman. La question de l'échec ou de la réussite de cette quête dans l'œuvre se posera inévitablement.
[...] de Rênal et de porter un coup symbolique à son pouvoir ; au contraire, Mme de Rênal n'a pas conscience du moindre mal qu'elle commet, et se situe dans l'amour pur et innocent : Mme de Rênal, transportée du bonheur d'aimer, était tellement ignorante, qu'elle ne se faisait presque aucun reproche. IX) Or, après quelque temps passé avec Julien, et après l'épisode de l'enfant malade, elle se rend compte du mal qu'elle commet par l'adultère. Ce qui était un bonheur parfait devient un péché. D'un bonheur naïf, tel Adam et Ève dans le jardin d'Éden, elle passe au bonheur relatif, car elle possède la connaissance. Quand elle se met à réfléchir, son angélisme s'envole. [...]
[...] Pour être heureuse, il faut être forte. Malgré ses sentiments, elle s'efforce d'être parfaitement maîtresse de ses paroles. XVI.) Quant à Madame de Rénal elle-même, emblème féminin par excellence, douce et passive, elle doit conquérir son bonheur comme nous pouvons le voir dans le chapitre Dialogue avec un maître La seule façon pour elle de pouvoir continuer à aimer Julien est que son mari adhère à son mensonge. Elle fait alors preuve de détermination et de brio : Mme de Rênal eut un sang-froid inaltérable XXI). [...]
[...] Sa passion intense pour un grand homme se retrouve incomprise et à cacher. Il ne peut plus être l'être combatif dans la guerre qu'il aurait pu devenir quelques années plus tôt. Le fait de devoir détruire le portrait est symbolique de l'impossibilité de réconcilier ses idéaux personnels, et la société dans laquelle il vit IX). Quant à Mademoiselle de la Mole, elle déteste l'époque actuelle au profit de l'époque de Boniface de la Mole. Siècle dégénéré et ennuyeux ! XIV). [...]
[...] Lorsqu'il lui reste peu de temps, Julien saisit enfin la teneur du bonheur, c'est-à-dire le fait d'aimer intensément, et de prendre plaisir à être aimé, même de façon éphémère. Ah ! qu'elle m'aime huit jours, huit jours seulement, se disait tout bas Julien, et j'en mourrai de bonheur Même si ses paroles sont celles qu'il devrait dire à Mme de Rênal, et non à Mathilde de la Mole, il est enfin dans une expression sincère de sentiments. Quant à Mathilde, qui avait juré de ne pas aimer un homme faible, elle est alors touchée par ses paroles. [...]
[...] Se pourrait-il que Mme de Rénal possède à l'origine la bonne représentation du bonheur et de l'amour, celle que plébiscite Stendhal ? Mme de Rênal n'écoutait plus ; l'excès du bonheur lui avait presque ôté l'usage de la raison. VIII) : lorsqu'elle apprend que Julien a refusé le mariage avec Élisa, elle n'est pas dans la réflexion, mais au contraire profite parfaitement du moment présent. D'ailleurs, plusieurs passages confirment qu'elle est davantage dans le ressenti que dans la réflexion : Quand il restait à Mme de Rênal assez de sang-froid pour réfléchir, elle ne revenait pas de son étonnement qu'un tel bonheur existât, et que jamais elle ne s'en fût doutée. [...]
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