Sénèque (Lucius Annaeus Seneca) est sans doute le meilleur représentant du stoïcisme latin : ses traités philosophiques, ses tragédies, et les Lettres à Lucilius en témoignent à travers des genres différents. Ses Quaestiones naturales, adressées elles aussi à Lucilius, rappellent que le stoïcisme est attentif au monde et à ses causes : Sénèque y mêle remarques morales et observations de faits naturels, dans le but de donner un fondement à l'éthique via la connaissance scientifique de la nature. Car c'est bien là le sens du titre : il cherche à la connaître. Tout au long des sept livres, divers phénomènes célestes sont abordés : les météores (I), ou encore la grêle et la neige (IV), et les comètes dans le dernier. Au début du livre VII, Sénèque commence par en justifier l'étude. Nous verrons d'abord que le texte remplit les fonctions attendues d'une introduction au sujet ; nous montrerons ensuite que Sénèque invite habilement le lecteur à le suivre en argumentant, et finalement que ce texte illustre bien l'étroite intrication entre science et morale dans le stoïcisme.
I. Une introduction au livre consacré aux comètes qui remplit ses fonctions
1) Susciter l'attention et la curiosité du lecteur
- Entraîner le lecteur :
La première phrase est particulièrement efficace, avec "Nemo" en position initiale, et le rythme ternaire des adjectifs habilement choisis, entre provocation et connivence "tardus / hebes / demissus".
"Nemo" est d'ailleurs repris l.6 et 14, et le texte recourt souvent à la généralisation qui pousse le lecteur à se situer lui-même : 1ère du pluriel, "omnium vultus", "populum", "quisque".
- Intriguer le lecteur : Sénèque parle de choses spectaculaires, en ne précisant l'objet spécifique du livre qu'à la ligne 13 : "novum aliquod miraculum", "aliquid ex more mutatum", "si quid turbatum".
Il parle de l'aspect grandiose des phénomènes célestes : "magnitudinem", "admiratione digna", "immensi corporis pulchritudo" + "illa majora sunt" et l'énumération de six "quod (...)", l.8 à 11, dans une longue exclamative.
Il saisit des instantanés de la vie, au présent, très efficaces : "omnium vultus in caelo est", "urbes conclamant", rythme ternaire très synthétique "spectamus interrogamus ostendimus" (...)
[...] Idem in cometis fit : si rarus et insolitae figurae ignis apparuit, nemo non scire quid sit cupit et, oblitus aliorum, de adventicio quaerit, ignarus utrum debeat mirari an timere. Non enim desunt qui terreant, qui significationes ejus graves praedicent. Sciscitantur itaque et cognoscere volunt prodigium sit an sidus. At mehercules non aliud quis aut magnificentius quaesierit aut didicerit utilius quam de stellarum siderumque natura, utrum flamma contracta, quod et visus noster affirmat et ipsum ab illis fluens lumen et calor inde descendens, an non sint flammei orbes, sed solida quaedam terrenaque corpora, quae per igneos tractus labentia inde splendorem trahant caloremque, non de suo clara. [...]
[...] La seconde partie fonctionne par analogie : ce qui est vrai de phénomènes grandioses mais ordinaires l'est encore plus des phénomènes extraordinaires que sont les éclipses. Dans les deux cas, la connaissance doit remédier aux agitations vaines et aux superstitions, et conduire à une admiration pour la nature, exprimée dans la première partie illa majora dans l'exclamative, l.7). Sénèque conduit ainsi le lecteur jusqu'à l'interrogation qui est le sujet de son livre : il part même d'une donnée comportementale qu'il semble regretter (la mécanique solaire est grandiose pourtant) pour aller jusqu'au débat objectif sur la nature des éclipses. [...]
[...] De plus, un grand nombre de subordonnées circonstancielles assurent la tenue du raisonnement et de son exposé : les consécutives usque eo ut ita ut et les conditionnelles si et nisi utilisés 7 fois) ; les interrogations indirectes doubles clarifient l'exposé tout en guidant fermement le lecteur : on en trouve aux lignes 14- 17-18. - Sénèque s'exprime à plusieurs reprises de manière irréfutable : avec une sorte de maxime comme adeo naturale est magis nova quam magna mirari (l.13), qui frappe par son caractère ramassé et ses sonorités et dans la répétition de nemo aussi 14) et les affirmations emportées : At quanto illa majora sunt (l.7-8) et At mehercule ( ) natura (l.16-17). [...]
[...] Car c'est bien là le sens du titre : il cherche à la connaître. Tout au long des sept livres, divers phénomènes célestes sont abordés : les météores ou encore la grêle et la neige et les comètes dans le dernier. Au début du livre VII, Sénèque commence par en justifier l'étude. Nous verrons d'abord que le texte remplit les fonctions attendues d'une introduction au sujet ; nous montrerons ensuite que Sénèque invite habilement le lecteur à le suivre en argumentant, et finalement que ce texte illustre bien l'étroite intrication entre science et morale dans le stoïcisme. [...]
[...] Concernant le soleil, on ne peut que s'étonner des acquis des Anciens, malgré le système géocentrique en vigueur ; concernant les comètes, le bilan est plus mitigé certes, mais elles sont déjà identifiées comme des solida corpora et bien que ces étendues de feu où glisseraient les comètes se soient avérées chimériques, on peut s'interroger sur l'étrange coïncidence qu'il y a à les rapprocher du soleil dans cette page, puisque c'est en fait lui qui les fait apparaître. Cosmographie de Peter Apian (1524 / 1535, Anvers), représentation du cosmos antique et médiéval. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture