Question 1 :
. Présenter en une vingtaine de lignes l'auteur de ce texte (la personne et son oeuvre)
Madame de Lafayette naît en 1634. Fille d'un écuyer, la jeune fille s'affranchit de la petite noblesse en pénétrant dans les grands salons parisiens, parmi lesquels celui de Madame de Scudéry, brillant par son intelligence et aidée, peut-être, par son amitié avec Madame de Sévigné. Propulsée à la cour puisqu'elle entre au service d'Anne d'Autriche, la jeune femme, alors âgée de seize ans, a loisir d'observer les intrigues de la cour, qui donneront forme à son oeuvre la plus connue. Mariée au comte de La Fayette en 1655, elle connaît une romance sans passion, passion qu'elle introduit justement dans ses romans. On peut citer les plus connus : La Princesse de Montpensier (1662), Zaïde (1671). A la mort de son époux, l'écrivain se consacre à la religion, départ qui n'est pas sans rappeler celui de son héroïne... Elle meurt en 1693.
On associe souvent La Princesse de Clèves, objet de notre étude, au roman moderne, pour sa dimension psychologique nouvelle, que nous mettons en avant dans les trois commentaires successifs. Madame de Lafayette livre là une oeuvre unique, datée de 1678 et devenue presque mythique. Elle développe pourtant une intrigue relativement simple : un coup de foudre puissant, mais impossible, sépare la Princesse de Clèves, vertueuse jeune femme, de son amant le Duc de Nemours, puisqu'elle souhaite respecter ses obligations envers son mari. Sur fond de roman historique fictif, puisque la scène se dessine à la cour d'Henri II, dans ce monde clos où chacun s'observe, se dessine un roman précieux. Peut-on épouser un homme qui a été la cause indirecte de la mort de l'époux ? La jeune femme aurait-elle dû faire un mariage d'amour ou de convenance ? Ces deux interrogations dissimulent le motif le plus connu et le plus représentatif du roman : l'aveu qui ne vient pas.
Question 2 :
. Quelles focalisations sont utilisées pour raconter l'entrée de monsieur de Nemours ? Commentez ce choix (effet recherché, sens produit).
Extrait : "Elle avait ouï parler de ce prince à tout le monde, comme de ce qu'il y avait de mieux fait" jusqu'à "à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez sans l'avoir jamais vu."
L'extrait est caractérisé par une oscillation entre les focalisations, qui s'applique parfaitement à l'événement représenté : la Princesse de Clèves, se mêlant au monde lors d'une festivité, est coupée dans sa danse par l'entrée bruyante d'un homme qu'elle ne connaît pas, mais dont elle devine l'identité.
Il est nécessaire de relever les focalisations dans la totalité de l'extrait, pour comprendre comment l'entrée de monsieur de Nemours, au sein d'une réception mondaine et dans l'univers de la Princesse de Clèves, se fait événement (...)
[...] L'amour justement, transcende les règles et les preuves. C'est ce que souligne la coupure à la ligne disait-il qui ne peut pourtant retenir l'exclamation, répétée donc, du Duc : Elle m'aime Les deux organisateurs argumentatifs, car, enfin trahissent le tiraillement du texte, entre archivage des preuves d'amour, qui devraient confirmer l'existence du sentiment amoureux, et conviction intime, qui se base sur une certitude ne nécessitant pas d'être motivée autrement que par l'élan amoureux. Quand, enfin, le Duc s'interroge sur l'attitude de la Princesse à son égard, il multiplie les périphrases pour la caractériser, comme s'il voulait scruter à la loupe son comportement la même rigueur que si j'étais haï être maltraité L'affirmation de la ligne justement, qui figurait un indéniable amour, semble s'effriter dès le point virgule, ponctuation flottante qui révèle justement que la pensée du Duc n'est pas arrêtée et encore mouvante. [...]
[...] Il est intéressant de voir que le regard de la Princesse de Clèves est lui-aussi dérobé, comme par le trou d'une serrure, presque. Elle surprend le Duc dos à la table où se trouve l'objet, alors qu'il tente donc de dissimuler son action, se croyant sans doute à l'abri grâce à la tenture, sans savoir que l'un des pans est relevé par un des rideaux qui n'était qu'à demi fermé C'est comme si le regard était tenté, invité à se poser sur l'interdit : le portrait est laissé sur la table en début de texte, le rideau est relevé de sorte à montrer la silhouette du voleur On ne sait pas exactement le temps que dure l'opération effectuée par l'amoureux elle vit que, sans tourner la tête, il prenait adroitement quelque chose sur cette table La ligne 10 construit un dispositif une nouvelle fois très intéressant : la Princesse, sans doute un peu dissimulée par le rideau aperçoit, puis observe, l'aimé, alors que lui-même s'est placé dos à l'objet qu'il veut récupérer, pour pouvoir s'en emparer sans éveiller les soupçons. [...]
[...] Le paragraphe suivant, justement, qui figure l'entrée du Duc, passage qui nous intéresse tout particulièrement, balance entre deux focalisations. La focalisation interne, d'abord, permet de figurer le trouble de la jeune femme, alors qu'elle rencontre enfin celui qui occupait ses pensées, alors même que le silence perdure entre eux et qu'elle n'est étreinte que par ce qui tient de la conviction intime, continuité logique de la focalisation interne des premières lignes. La focalisation externe, ensuite, permet de figurer l'entrée de l'homme admirable au sein d'une réception mondaine : si la surprise de la Princesse est perceptible, cet étonnement n'en est que plus amplifié par la foule occupée à danser, elle-aussi témoin de l'événement, même si ce dernier n'a pas la connotation sentimentale qu'il a pour l'héroïne. [...]
[...] Rappelons-nous d'ailleurs l'origine mythique du portrait. Provenant pour certains de Narcisse, penché sur la mare et versé dans sa propre contemplation, le rapport à soi ou à l'autre, figé par la peinture, est bien admiratif. Une autre origine mythique, bien plus éclairante : la fille du potier Butadès, ou son pendant masculin Gygès, tracent sur un mur éclairé, respectivement l'ombre de l'amant qui s'apprête à partir à la guerre, ou son contour propre, dans un acte d'auto-mimesis. Dès le second paragraphe, c'est à la vue du portrait de la princesse, laissé en évidence par le peintre à la ligne que ne peut résister le Duc de Nemours lorsqu'il vit utilisation du passé simple, marque la rupture). [...]
[...] Les lignes 8 à 10 figurent, justement en focalisation interne, depuis la Princesse de Clèves, ce vol à la tire, ce qui permet de faire comme un gros plan cinématographique qui amplifie l'événement. On imagine sans mal l'œil de la caméra se fixer sur la main du Duc, dépassant légèrement de son dos pour se diriger vers le médaillon qu'il projette de dérober. On passe donc du regard du Duc, fixé sur le portrait, à celui de la Princesse, qui se pose, visiblement par hasard aperçut sur le jeune homme. [...]
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