Face à la réalité cruelle d'une vieillesse qui rend certaines personnes méconnaissables, la transformation constatée sur les visages, les corps ou les mouvements de relations perdues de vue depuis longtemps devient si saisissante qu'elle ne paraît pas possible. Elle est à proprement parler « invraisemblable » pour le narrateur (...)
[...] C'est sans doute la dernière phrase du texte qui est la plus remarquable par son aptitude à associer temps, mémoire et écriture. En effet, ce long développement de la phrase à la fois constate et exprime le vieillissement, le met en rapport avec le souvenir, s'interroge sur l'énigme de la vie et du temps, fait se télescoper passé et présent par ce qui est justement appelé un contraste bouleversant La longueur même de la phrase n'est pas sans analogie avec la lenteur, alentissement de la vieillesse et capture du temps qui fuit par l'écriture. [...]
[...] 25) concerne évidemment l'architecture ; elle s'accompagne d'ailleurs des termes dévastations reconstructions travail Elle établit donc une analogie entre l'architecture dégradée du corps humain, considéré comme un édifice, et le passage d'une forme élancée, synonyme de vitalité et de jeunesse (la flèche à une forme arrondie et ramassée, synonyme d'affaissement et de vieillesse (le dôme Elle se réfère à la lourde dame qui passe pesamment près du narrateur (l. 15) et à son corps énorme (l. 19-20). L'image est d'autant plus frappante qu'elle est à la fois esthétique et cruelle. Les ravages du temps Ils sont exprimés par quelques oppositions majeures, ce qu'annonçait l'adjectif contradictoire (l. 7). On relève ainsi divers contrastes concernant l'aspect physique, l'âge, le comportement : blonde valseuse »lourde dame à cheveux blancs qui passait pesamment (l. [...]
[...] Le passage choisi se trouve dans la dernière partie du Temps retrouvé. Le narrateur fait le récit minutieux d'une matinée chez la princesse de Guermantes, ex Madame Verdurin. Il y retrouve d'anciennes connaissances et relations mondaines qu'il a parfois du mal à reconnaître, le temps ayant fait son œuvre. L'évocation, impitoyablement, passe en revue ces hommes et ces femmes et note tous les changements que l'âge a opérés. Cette longue danse macabre où la caricature de la vieillesse prend une coloration tragique s'accompagne d'une immanquable réflexion sur les rapports du temps, de la mémoire et de l'écriture. [...]
[...] 18) ; légère blonde »vieux maréchal ventripotent (l. 23) ; dévastations »reconstructions (l. 24) ; un dôme »une flèche (l. 25). L'expression lourde dame peut être opposée à deux autres expressions : blonde valseuse et légère blonde C'est surtout la seconde qui en est l'antithèse la plus réussie puisqu'elle oppose la lourdeur présente et la légèreté passée. L'expression vieux maréchal ventripotent (l. 23) est particulièrement assassine. Désignant la lourde dame autrefois valseuse blonde et légère, elle en masculinise la féminité par le terme militaire maréchal insiste sur l'âge et sur une allure physique disgracieuse. [...]
[...] Elle est à proprement parler invraisemblable pour le narrateur. Le mot mystère (l. traduit bien ce caractère énigmatique de la transformation. Il a été préparé par l'expression de la difficulté à concevoir ce qui est contradictoire (penser sous une seule dénomination deux choses contradictoires“, l. et par celle de la difficulté à admettre un changement radical métamorphosant le connu en inconnu („admettre que ce qui était ici, l'être qu'on se rappelle n'est plus, et que ce qui y est, c'est un être qu'on ne connaissait l. [...]
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