Ce poème est extrait de La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, recueil écrit par Blaise Cendrars en 1913 et illustré par la peintre Sonia Delaunay. Cette union donne naissance au premier livre simultané. C'est un livre-tableau créé pour être captivé en un seul regard dans sa totalité. Dans ce fragment, l'auteur relate son voyage à bord d'un train, le Transsibérien, accompagné d'une femme « Jeanne ». Plongées dans une atmosphère d'inquiétude, la peur et l'impatience prennent le dessus, le voyage se révèle long et infernal. L'extrait dévoile l'originalité de l'œuvre : la composition picturale caractérisée par un dynamisme chromatique, l'éclatement de l'espace, l'absence de ponctuation et l'irrégularité des vers rompt avec la prosodie traditionnelle. Un poème qui se veut singulier en s'affranchissant de tout formalisme de l'écriture. Ainsi, par la thématique du voyage et de la vitesse, il symbolise l'accroissement du monde moderne du début du XXe siècle.
[...] Ainsi, par la thématique du voyage et de la vitesse, il symbolise l'accroissement du monde moderne du début du XXe siècle. Au premier abord, trois aspects se démarquent dans l'analyse : les séries de contraste, l'omniprésence de l'élément feu et l'impression de désordre suscitée par cette originalité artistique. Dans ce contexte, l'étude s'appuiera sur ces différents aspects en restant attentif à la mise en page, à l'analyse des procédés picturaux et typographiques exprimant la complexité du monde moderne. D'emblée, La Prose présente une série de contrastes qui mitige les interprétations. [...]
[...] Ce fragment se caractérise ostensiblement par la thématique de l'élément feu, Paris est perçu comme un lieu caniculaire, composé de cendre et de tourbe L'appellation de l'auteur Blaise Cendrars fait allusion au feu : le mot Blaise est proche de braise et le mot Cendrars est proche de cendre. Cela révèle son obsession du feu. Semblablement, la couleur rouge retentit comme le motif du feu. Bien que le feu ait une valeur mythique, il a surtout une dimension négative telle que ces locomotives en furie qui menacent d'explosion. [...]
[...] La rupture des codes de l'écriture est un symbole de modernité. Dans ce fragment de texte, il s'agit, en réalité, d'un faux dialogue entre Cendrars et Jeanne pour témoigner de toute l'ambivalence du monde contemporain : l'avancée technologique d'une part qui permet à l'homme de faire de grandes choses, de se déplacer aisément à travers le globe pour ensuite se heurter à la destruction que celle-ci peut engendrer, la conception d'armes, plus destructrices les unes que les autres, soulignent les limites de ce modernisme. [...]
[...] La répétition de la phrase Dis, Blaise, (ou Blaise, dis sommes-nous bien loin de Montmartre ? crée un effet d'insistance, l'éloignement est perçu comme une échappatoire au malheur qui aboie à nos trousses Il est évident que la panique s'est emparée des personnages, notamment lorsque Blaise précise à Jeanne que la fuite a commencé depuis déjà sept jours Le train symbolise la modernité, le progrès, mais a aussi une connotation négative puisque l'égarement souligne l'impression de confusion, l'espace devient labyrinthique : le monde s'étire s'allonge et se retire comme un harmonica qu'une main sadique tourmente Même la mise en page renforce le sentiment de dépaysement. [...]
[...] Le fait que La Prose soit imprimée en caractères d'imprimerie et non en écriture manuscrite confirme, certainement, ce lien avec la modernité. De nombreux éléments contradictoires apparaissent tout au long du fragment. L'hétérogénéité spatiale des paragraphes, les contrastes chromatiques et l'irrégularité typographique accentuent les ruptures avec ce qu'on pourrait qualifier de conforme, c'est l'émancipation de l'écriture poétique. L'ambiguïté ne cesse de s'installer. Malgré leur fuite d'une ville présumée dangereuse, les héros sont plongés dans une atmosphère déconcertante : Paris reste leur ville natale qui leur procure un sentiment de sécurité contrairement à une Sibérie froide et si peu familière. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture