Prose du Transsibérien, Blaise Cendrars, incipit, poésie, récit de voyage, adolescence, autoportrait, prose, libération, irréalité, surréalisme
Les voyages forment la jeunesse, dit le proverbe. C'est bien d'un voyage que Cendras nous parle dans Prose du Transsibérien. Il l'a effectué à 16 ans, en 1905, de Moscou à Kharbine à bord du Transsibérien. Le poème où il raconte ce voyage écrit en 1913 est d'une grande modernité, à la fois par les thèmes qu'il développe et par l'utilisation du vers libre. Nous allons en étudier l'incipit. Dans ce début Cendrars est à Moscou, jeune et exalté, avant le début du voyage. Nous verrons qu'il fait son autoportrait à Moscou en adolescent exalté, jeune et fougueux, mais peut-être aussi mauvais poète ; puis nous verrons dans un second temps qu'au contraire de ce qu'il prétend, ce début du grand poème de 446 vers dans son entier, porte déjà la marque d'un véritable style, très tonique et imagé, qui transfigure le réel par une écriture moderne, englobant à la manière des collages surréalistes tous les temps, de la modernité à l'Antiquité et même ceux plus flous de la légende et du conte.
[...] Or, il marque pourtant entre ce moment actuel de son « adolescence » et le temps qui le précède une véritable rupture par la négation du verbe se « souvenir ». C'est comme s'il était un être neuf, sans aucune mémoire et tout entier tourné vers l'avenir. À cette rupture temporelle vient s'ajouter une rupture spatiale qui curieusement joue avec le chiffre de son âge puisque « seize ans » et « seize mille lieues » semblent se répondre. Il est donc jeune et très loin d'une famille qui pourrait lui imposer la moindre contrainte. [...]
[...] On peut donc s'étonner qu'après avoir comparé son cœur à des bâtiments superbes, il parle de lui-même comme d'un « mauvais poète », c'est-à-dire quelqu'un qui n'arriverait pas à atteindre la beauté. Il note par l'adverbe « déjà » que cet état de mauvais poète ne changera pas par la suite. Et son incapacité poétique, dit-il, fait qu'il ne va pas « jusqu'au bout », comme le dit la conjonction de conséquence « si que ». Mais peut-être ne faut-il voir là que l'affirmation de la liberté qu'il met à écrire des vers libres plutôt que de les travailler encore, c'est-à-dire aller « jusqu'au bout » pour en faire des vers plus classiques comme l'alexandrin. [...]
[...] De cette manière, Cendrars nous donne à voir la modernité avec autant d'admiration que l'art ancien. Ce collage se voit également par la juxtaposition d'éléments réels, prosaïques, et d'autres, plus symboliques ou légendaires, comme on voit le passage de « pigeons » de la place aux pigeons religieux du « Saint-Esprit » puis à « l'albatros », oiseau de mer, qui n'a pas sa place dans ce lieu très urbain et à l'intérieur des terres. Ainsi il semble que son regard approfondit ce qu'il voit du monde, de même qu'il évoque la fin du voyage par la répétition du « dernier », alors qu'il n'est pas encore dans le train. [...]
[...] Prose du Transsibérien, incipit, vers 1 à 23 - Blaise Cendrars (1913)Les voyages forment la jeunesse, dit le proverbe. C'est bien d'un voyage que Cendras nous parle dans Prose du Transsibérien. Il l'a effectué à 16 ans, en 1905, de Moscou à Kharbine à bord du Transsibérien. Le poème où il raconte ce voyage écrit en 1913 est d'une grande modernité, à la fois par les thèmes qu'il développe et par l'utilisation du vers libre. Nous allons en étudier l'incipit. [...]
[...] On voit donc que l'incipit du poème marque à la fois une libération passée et une invitation fougueuse au voyage dans l'avenir.Ce début de voyage qui semble réel puisqu'il va s'agir de prendre un train donne cependant une impression d'irréalité. La jeunesse et la fougue de l'auteur donnent une impression de conte, de légende et de mystère. Il commence son poème par l'adverbe « en ce temps-là » comme dans les contes dont il nous donne l'impression. À cela vient s'ajouter plusieurs connotations telles que « Mille et trois tours » faisant référence au conte les milles et une nuit, ainsi que « 16 000 lieues » qui fait allusion au conte Le Petit Poucet, et enfin « Le Kremlin », connotation à Hansel et Gretel. [...]
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