La prose du Transsibérien publié en 1913 est un long poème de quatre cent quarante six vers libres qui relate le périple effectué par Cendrars et une jeune femme appelée Jehanne jusqu'en Mandchourie.
Dans cet extrait, Cendrars évoque les moments de sa vie et le voyage qu'il est fait dans un paysage insolite, parfois fantastique au rythme du train (...)
[...] Cette analyse rétrospective est à la fois source de regret mais aussi de connaissances. La métaphore filée des courses de chevaux suppose un échec: vers j'ai fait courir tous les trains vers 10 J'ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp vers 14 Et j'ai perdu tous mes paris La restriction au vers 15 n' . que suppose un poète désabusé qui n'a plus rien à attendre des pays visités ou plutôt vus sauf, semble-t-il, d'une terre désertique, la Patagonie Ses périples ont donné au poète une connaissance. [...]
[...] Cendrars fait référence à des moments de son existence. Tout d'abord, il évoque sa naissance aux vers 1 et 6 et son enfance au vers 2 qu'il situe par rapport à son adolescence. Ces deux moments sont très loin dans le temps; je ne me souvenais déjà plus de mon enfance et dans l'espace; J'étais à seize mille lieues de ma naissance Ils étaient une attente car le poète évoque ses rêves et son désir d'évasion, de fuite à travers le vers Et l'école buissonnière, dans les gares devant les trains en partance Cette prime jeunesse apparaît comme figée, protégée mais déjà tournée vers le monde du voyage et du rêve: J passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone. [...]
[...] Ce dernier terme, déchiffré ainsi que l'adjectif confus renvoient au projet de Baudelaire qui est de décrypter le langage de la nature. Cendrars laisse supposer qu'il a trouvé un style d'écriture dans cette phrase: j'ai rassemblé les éléments d'une violente beauté . L'alliance de violente et de beauté paraît une antithèse mais évoque le lien entre le train, la machine bruyante et le monde vu différemment dans une nouvelle beauté tel qu'il surgit à l'écoute de cette machine. Le dernier vers Que je possède confirme cette connaissance acquise désormais. [...]
[...] Blaise Cendrars est né en Suisse en 1887 et est mort en 1961 à Paris. Il mène dès l'âge de quinze ans une vie aventureuse parcourant le monde de l'Amérique jusqu'en Russie, exerçant divers métiers. Il participe à la Première Guerre mondiale où il est grièvement blessé. Il publie des poèmes, des romans qui sont influencés par cette vie de voyageur et par le monde moderne avec ses nouvelles formes de communication et d'art, la publicité, le cinéma, le jazz, dont il devient le chantre. [...]
[...] Blaise Cendrars évoque des moments de sa vie à travers l'univers du voyage. C'est un voyage particulier axé davantage sur une fuite, une soif de voir et d'entendre que sur la découverte patiente des pays traversés. Cendrars utilise des procédés poétiques modernes pour rendre compte du monde qui apparaît comme éclaté, chaotique, vaste mosaique à reconstituer et donne ainsi les éléments d'un art poétique moderne. Il se place non loin de Baudelaire dans cette volonté de comprendre, de déchiffrer l'univers mais si, chez le poète symboliste, cette quête est source de mélancolie, chez Cendrars, elle est source d'enthousiasme. [...]
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