Jacques Prévert (1900–1917) compose "une poésie intempestive" intitulée "Paroles, recueil poétique" s'opposant à l'intellectualisme et aux prétentions des poètes surréalistes dont il subit malgré tout l'influence. Dans ce recueil, il mêle toute sorte de thèmes comme autant de collages, allant du refus de la guerre et des méfaits de l'Église jusqu'à l'émerveillement devant les beautés de l'amour. Ce poète adopte la démarche d'un démystificateur insolent, entre destruction et rénovation. Ainsi dans Promenade de Picasso, avant denier poème du recueil, Prévert aborde l'image et la fonction de l'artiste à travers la délicate question de ses liens avec la réel dans la création d'œuvres d'art : il met en scène deux artistes, « un peintre de la réalité » (v4), tiré de ses affres devant son modèle par l'intervention malicieuse de l'ami de Prévert dans la vie, Pablo Picasso dont Malraux disait qu'il avait réalisé la plus grande entreprise de destruction et de création des formes de notre temps.
[...] - La disposition anarchique des vers dans la page blanche démontre une libre imagination et déconcerte le lecteur. Concernant la syntaxe, les longueurs sont irrégulières. La première phrase fait deux lignes ; la deuxième, une trentaine ; la troisième, treize ; la quatrième, quatre et la cinquième, dix. - L'anaphore Et rythme le poème et lui donne une forme d'inventaire lassant. Toutes les étapes et les associations d'idées sont mises au même plan (la pomme d'arrosoir et Guillaume Tell son mis au même plan) : il n'y a aucune hiérarchisation. [...]
[...] C'est sans doute parce qu'il est l'antithèse du réalisme (avec le cubisme). On constate d'ailleurs qu'il désapprouve l'idée de peindre la pomme : il la mange, casse l'assiette et se présente alors comme un dieu destructeur qui change la construction du tableau du peintre. Transition : Le poème étudié est un poème libre, de type narratif avec une indétermination spatiale, temporelle et des personnages : il s'agit donc d'un conte ou d'un apologue. Mais ce poème est également humoristique et ludique. II. Un poème humoristique et ludique A. [...]
[...] Picasso est mis en valeur - Il est le seul à avoir un nom, c'est lui qui agit : il mange la pomme (le fruit biblique) et accède alors à nouveau savoir, puis il casse l'assiette, traduisant ainsi une volonté de rupture. - Il détruit pour essayer de faire revivre un art. Picasso veut que le peintre mange la pomme pour qu'il la peigne autrement, et elle le remercie. Prévert et Picasso ont une influence commune, le surréalisme et son tous deux, cultivés. [...]
[...] - Indétermination des personnages : Picasso est valorisé contrairement au peintre de la réalité qui n'aura ni nom ni identité. En effet Picasso est représenté comme un dieu qui est partout chez lui et dont l'intervention est salutaire et enfin il apparaît lorsque le peintre dort, rappelant ainsi l'épiphanie. - On peut remarquer une distinction entre un peintre et le peintre (v21 et suivants) qui marque une sorte de compassion grandissante. - L'autre personnage important est la pomme qui apparaît dès le vers 2 et qui est immédiatement personnifiée comme dans les contes avec elle ne se laisse pas faire (v8). [...]
[...] C'est aussi un hommage à Picasso dont Prévert partageait l'humour, la fantaisie, les idées politiques et artistiques, c'est-à-dire un art poétique tournant le dos au réalisme bourgeois, académique et figuratif pour célébrer un art abstrait. Ce poème s'inscrit bien dans le recueil par sa remise en question de l'art comme institution. Prévert répondra ici à une question philosophique, reprenant la thèse d'Aristote : comment représenter le réel ? La pérennité de l'œuvre de Prévert, comme de Picasso auprès des jeunes générations, tendrait à leur donner raison même si le succès de Prévert s'explique aussi par sa simplicité populaire qui la distingue des hermétiques recueils des surréalistes. [...]
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