Projet paix perpétuelle Emmanuel Kant
L'idée d'une paix perpétuelle peut sembler paradoxale, dans un contexte fréquemment marqué par les conflits - le Projet succède à la Révolution française et au rassemblement de pays européens pour lutter contre cette France révolutionnaire. Pourtant, le choix du terme de "projet" indique qu'il s'inscrit dans une optique de réalisation concrète. Il s'appuie sur une analyse rigoureuse des réalités politiques de l'époque - références indicatrices d'une recherche empirique -, et les conditions de sa mise en oeuvre semblent adaptées aux sociétés existantes. L'objectif de Kant est alors de présenter une conception qui s'accomplisse dans les faits, de prouver que la théorie peut s'accorder avec la pratique. Mais on - et en particulier Hegel - a accusé son idée d'être une construction rationnelle qui demeure abstraite.
La paix n'est-elle donc qu'un rêve de philosophe ? Un objectif chimérique qui ne peut trouver de traduction dans une réalisation concrète ?
[...] Il lui faut pour cela revoir la théorie de Grotius, selon laquelle la guerre est reconnue comme un droit. Or elle ne fait que perpétuer l'usage de la force, l'état de nature. Ou bien il faut user, non de la force physique, mais de la force morale, celle de lutter contre "la méchanceté de la nature humaine". La paix est alors conçue comme un devoir, énonciation de la raison : "la raison du haut du trône du pouvoir législatif suprême condamne absolument la guerre comme voie de droit et fait au contraire de la paix un devoir immédiat". [...]
[...] La guerre est une condition naturelle : elle "semble greffée sur la nature humaine" (premier supplément). Mais elle est l'instrument et non le but du développement humain. A l'instar de Hegel, qui considère que l'homme se sort de "l'état de rudesse, de violence et d'injustice" grâce à la société, Kant pense que c'est l'insociabilité naturelle des hommes qui les a poussés à instaurer le droit. "Le moyen dont se sert la nature pour mener à terme le développement de toutes ses dispositions est leur antagonisme dans la société, dans la mesure où cet antagonisme finira pourtant par être la cause d'un ordre réglé par la loi" (Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique). [...]
[...] Ce principe repose tout d'abord sur une constatation géographique : les limites du globe contraignent ses habitants à s'y rencontrer et se supporter. La Terre appartient alors à tous, et chacun a le droit de se trouver en n'importe quel lieu ("à l'origine, personne n'a plus qu'un autre le droit d'être sur un lieu de la Terre"). De là découle le devoir d'hospitalité envers les étrangers, même si on ne lui reconnaît qu'un "droit de visite", et non un "droit de séjour". [...]
[...] En conclusion, on peut dire que l'ouvrage contient un double but : celui d'établir un projet de paix fondé sur des principes capables de la rendre éternelle, ce qui constitue un raisonnement de philosophe - de nature théorique - qui peut être considéré comme chimérique, mais également de valider ce projet dans la pratique en faisant la preuve qu'il est le seul qui peut se réaliser dans les faits, et en cela Kant s'affranchit de toute accusation d'utopisme. [...]
[...] Tout d'abord, il faut noter que Kant reste prudent dans ses propos. Il marque ses distances avec tout utopisme en niant une quelconque philanthropie, et tente de donner à son projet plus de réalisme, notamment par sa structure en articles. De plus, il ne prétend pas prescrire une recette miraculeuse qui ferait instantanément régner la paix, puisqu'il considère que celle-ci doit s'établir progressivement : "on ne peut s'en approcher que par des progrès indéfinis. La paix perpétuelle n'est pas une idée creuse, mais un problème qui se résout peu à peu et se rapproche constamment de son but" (deuxième appendice). [...]
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