La Princesse de Clèves, quatrième partie, Madame de Lafayette, aveu, infidélité, passion, monsieur de Nemours, duc de Nemours, commentaire
Dans cette scène, madame de Clèves fait fi de toute bienséance en avouant au duc de Nemours son amour : je vais passer par-dessus toute la retenue et toutes les délicatesses que je devrais avoir dans une première conversation (lignes 2-3). Pour la première fois, elle va faire preuve d'une grande sincérité et, confiant ses sentiments, va réduire à néant toutes les « chaudes » espérances du duc : Ce sera apparemment la seule fois de ma vie que je me donnerai la liberté de vous les faire paraître [ses sentiments] (lignes 5-6).
[...] L'utilisation du pronom indéfini sous-entend qu'elle subit le sort commun à toutes les femmes. Sa revendication de l'amour dans le mariage est issue du courant des Précieuses. Quant au duc de Nemours, il a peu l'occasion de se défendre, n'intervenant que de manières aussi brèves qu'inefficaces (lignes 21 à 23 et 45 à 50). L'extrait s'apparente ainsi à un monologue de la princesse qui tente de se convaincre du bien-fondé de ses arguments. Le décès de son mari laisse un vide qui ébranle ses forces. [...]
[...] Des arguments validés par l'imagination Dans son monologue, madame de Clèves, lorsqu'elle ne peut plus argumenter son choix par la réalité, va recourir à son imagination ou plutôt à son estimation de la situation. Ainsi, on relève en ce sens : - l'importance accordée au verbe croire (lignes et 55). Ces quatre occurrences permettent à madame de Clèves de mélanger la réalité et le fantasme, avec notamment Je vous croirais toujours amoureux et aimé, et je ne me tromperais pas souvent (ligne où la litote suggère que le tableau des infidélités qu'elle dresse se réalisera ; - l'écriture au conditionnel, qui traduit la peur irrationnelle de l'abandon. [...]
[...] s'écria monsieur de Nemours. Pensez-vous que vos résolutions tiennent contre un homme qui vous adore, et qui est assez heureux pour vous plaire ? Il est plus difficile que vous ne pensez, Madame, de résister à ce qui nous plaît et à ce qui nous aime. Vous l'avez fait par une vertu austère, qui n'a presque point d'exemple ; mais cette vertu ne s'oppose plus à vos sentiments, et j'espère que vous les suivrez malgré 50 vous. Je sais bien qu'il n'y a rien de plus difficile que ce que j'entreprends, répliqua madame de Clèves ; je me défie de mes forces au milieu de mes raisons. [...]
[...] Conclusion Si la scène éminemment classique de l'aveu de madame de Clèves à son mari (troisième partie) voyait l'héroïne tenter de maîtriser sa passion et relançait ainsi l'action du roman, celle de ce second aveu en annonce le dénouement final. Madame de Clèves arrive difficilement à rester lucide et, si pour la première fois elle avoue explicitement ses sentiments au duc de Nemours, renonce à laisser libre cours à sa passion. Ce sacrifice sur l'autel d'une éducation vertueuse, de l'honneur et de la religion ne sera pas sans conséquence puisque, affaiblie par le chagrin, elle se retirera dans les Pyrénées où elle tombera gravement malade et mourra quelques années plus tard. [...]
[...] Il y en a peu à 35 qui vous ne plaisiez ; mon expérience me ferait croire qu'il n'y en a point à qui vous ne puissiez plaire. Je vous croirais toujours amoureux et aimé, et je ne me tromperais pas souvent. Dans cet état néanmoins, je n'aurais d'autre parti à prendre que celui de la souffrance ; je ne sais même si j'oserais me plaindre. On fait des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari, quand on n'a à lui reprocher que de n'avoir plus d'amour ? [...]
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