L'introspection tient dans le roman une place capitale. Rapportée presque systématiquement au style indirect, elle suppose que le narrateur s'efface totalement pour livrer au lecteur l'énoncé soi-disant littéral du discours intérieur. Cela procure au lecteur l'expérience d'une passion vécue depuis l'intérieur du personnage.
Le vidame de Chartres, oncle de la princesse est un grand séducteur, il a une liaison étroite avec Catherine de Médicis, mais il a d'autres relations et en particulier Mme de Thémines. Elle lui envoie une lettre de rupture, mais elle tombe dans le vestiaire et fait scandale. La lettre parvient jusque dans les mains de l'épouse du dauphin qui donne la lettre à la princesse de Clèves. La princesse pense alors que cette lettre était destinée à M. de Nemours. La confidence du vidame permet au duc de Nemours d'expliquer cette affaire à la princesse. C'est à ce moment-là qu'ils s'isolent dans un cabinet pour écrire le faux .C'est le premier tête à tête entre Mme de Clèves et M. de Nemours.
Ce passage se situe juste après la rédaction de la lettre et donne déjà des éléments sur la décision finale de la princesse. On assiste au progrès du sentiment amoureux.
La composition de ce passage est originale : l'intrigue est concentrée sur la psychologie du personnage, l'analyse du sentiment amoureux est intégrée dans l'intrigue. C'est à une véritable introspection que se livre la princesse. Le personnage peut être envisagé de différentes manières. C'est la distinction que fait Vincent Jouve dans la Poétique du roman. Ici on a affaire à la théorie poétique c'est-à-dire une approche qui insiste sur l'identité du personnage Ce passage a également une fonction dramatique, car il s'achève sur une prise de décision. L'originalité de Mme de La Fayette c'est d'avoir inventé le personnage psychologique. Comment cette approche psychologique constitue un personnage ?
Comment est élaborée l'identité de la princesse de Clèves ?
[...] L'évolution de l'intrigue va de pair avec la lucidité du personnage. La lucidité se traduit dans l'expression ouvrir les yeux (l.7). C'est la découverte de la jalousie qui est vécue comme une expérience extrêmement douloureuse(l.1-6). La jalousie est une expérience insoutenable(expression hyperbolique,l.1). La dimension tragique s'introduit d'emblée avec cette étape de la reconnaissance un moment essentiel dans la Poétique d'Aristote. En effet, c'est une des trois parties de l'histoire, et elle est directement liée à la structure même du drame. [...]
[...] La peur entraîne une défiance, mais elle lui permet une prise de conscience. Il y a une alternance entre l'action (progression de la passion) et la réflexion (qui tente de la contenir). C'est une lucidité douloureuse. Le lexique est très riche : défiance et jalousie cela se rapporte au roman précieux. Il y a une différence nette entre les soupçons (l.5) et les impressions L'impression c'est la marque laissée dans l'esprit, elle est autonome par rapport à ce qui la cause. [...]
[...] En effet le soliloque de Mme de Clèves suit les détours des mouvements passionnels, ils ne déroulent que le discours d'une conscience organisée ; le trouble ne parle pas le langage du trouble, mais celui de la connaissance réflexive, de ce moment second où l'esprit fait effort pour voir clair dans son trouble. Enfin, les rapports entre le narrateur restent quelque peu ambigus puisque si le narrateur semble suivre les mouvements passionnels de son héroïne sa transparence n'est pas totale. C'est également un passage important, dans la mesure il annonce la scène de l'aveu. En effet à la fin de cet extrait Mme de Clèves en conçoit le projet, cet extrait a donc également une fonction d'amorce narrative. [...]
[...] La princesse est cernée d'hommes et de femmes légères. Les mots durable et hasard traduisent l'exposition à ce risque, elle se met entre les mains du hasard. La question de la satisfaction, la crainte d'être trahie, de savoir si elle sera détruite par cette souffrance. Les verbes de ce premier mouvement sont également significatifs et traduisent le processus d'interprétation : les verbes de pensée et de jugement Elle n'avait pensé l.2, Elle fut étonnée de n'avoir point encore pensé le verbe trouver (l.14) traduit bien la découverte progressive quant à la nature de ses sentiments. [...]
[...] De plus, dans ce soliloque l'auteur reste au niveau des connaissances de son héroïne ce qui est une manière de se cacher dans les moments mêmes où il veut éviter de s'exhiber en position de témoin omniscient révélant des secrets inconnus au personnage lui-même. Apparaît également la morale chrétienne fondée sur la pureté d'intention. Il y a différents aspects : le refus total puis l'acceptation à titre d'hypothèse. Le refus initial est motivé par le fait qu'une passion ne peut jamais être durable. C'est un des thèmes privilégiés de la méditation précieuse sur les amours humaines. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture