Le Prince, Machiavel, Florentin, qualité de' tempi, César Borgia, anti-machiavélisme, Rousseau
Nicolas Machiavel (1469-1527) fait partie de ces auteurs dont l'oeuvre est profondément inscrite dans les soubresauts de l'histoire. Sa réflexion politique est contemporaine des premières guerres d'Italie, c'est-à-dire des tentatives des rois de France (Charles VIII, Louis XII et François Ier) de prendre possession du royaume de Naples ou du duché de Milan, sous des prétextes dynastiques divers. Ces « descentes » de l'armée française font de l'Italie, et ce pour un demi-siècle, le champ de bataille des puissances européennes : France, Milanais, république de Florence, royaume de Naples, république de Venise, royaume d'Espagne, empire, sans parler des mercenaires suisses et allemands...
[...] COMMENTAIRE-Machiavel, Le Prince, chap (trad. J.-V. Périès, 1825). La rationalisation de la fortune D'où vient alors l'image profondément négative de cette figure, image qui s'est développée dès la seconde moitié du XVIe siècle, pour devenir un lieu commun ? Il existe évidemment des passages où Machiavel expose les qualités de ruse, de calcul, voire de cruauté du Prince. Mais, encore une fois, n'oublions pas qu'îl est un homme qui prend le pouvoir par la force, et que le problème premier est alors de conserver ce pouvoir. [...]
[...] Les philosophes français succomberont parfois à ce modèle, ainsi de Voltaire invité de Frédéric, ou Diderot de Catherine de Russie. Mais Rousseau dévoilera constamment dans cette figure un masque du despotisme tout court. Et, dans une note du Contrat Social (1762), il présente une lecture profonde du Prince, comme d'un ouvrage écrit pour le peuple, afin que celui-ci apprenne à lire les ruses du tyran. Enfin, sur un autre plan, Nietzsche verra dans la virtù machiavélienne cette vertu sans moraline si rare selon lui dans la pensée occidentale, corrompue par la morale chrétienne. [...]
[...] Cette qualité, Machiavel la nomme virtù en se tenant au plus près du sens latin premier de la virtus : le terme procède du vir, elle désigne l'ensemble des qualités viriles c'est-à-dire militaires et politiques. Plus profondément, Machiavel infléchit la vertu dans le sens d'une figure de l'individualité : le prince vertueux, dit-il sans cesse, est celui qui peut compter sur lui-même, sur ses qualités propres : c'est une figure de la liberté agissante. À ce titre, on comprend le sens de la métaphore finale. Si la fortune est femme c'est précisément à cause de l'étymologie de la vertu. [...]
[...] Or, la question n'est pas celle de savoir si le prince possède en soi les vertus cardinales (tempérance, prudence, courage, justice), mais si son action est en effet adaptée aux temps. Là encore, il faut entendre la formule en effet au sens fort, celui de la vérité effective des choses c'est- à-dire de la nécessité, loin des rêves des philosophes . qui se sont imaginés des républiques et des principats qui ne se sont jamais vus ni n'ont été connus pour vrais Pour comprendre la position de l'homme politique, du prince par rapport au réel, Machiavel use de deux concepts clés : la fortune et la vertu. [...]
[...] Ce que montre précisément le texte, c'est que le pouvoir de la fortune est proportionnel à notre position à son égard. En effet, si l'on agit purement et simplement en suivant son caractère, le résultat de l'action dépend de cette fortune au carré qu'est le rapport entre le caractère et les circonstances. Ce qui donne aux hommes ce sentiment d'être les jouets du destin n'est rien d'autre que leur incapacité à s'adapter aux tempi. La vertu Mais que veut dire au juste s'adapter ? Il va de soi qu'il ne s'agit pas, nous l'avons dit, de s'imaginer dominer la nature. [...]
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