Dans Introduction à la littérature française, Todorov écrit que Manuscrit trouvé à Saragosse est le roman modèle du fantastique-étrange. Ainsi, selon lui, "Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel", et dans le cas précis du fantastique-étrange, ces événements qui paraissent surnaturels tout au long de l'histoire, y reçoivent à la fin une explication rationnelle. Autrement dit, l'oeuvre de Potocki s'inscrirait dans cette tradition du fantastique en présentant un univers en crise par ses normes rompues par moments et ses valeurs souvent difficiles à définir, mais où tout est finalement rétabli dans les dernières phrases. L'extrait que nous allons ici étudier se situe à la fin du premier décaménon du roman alors qu'Alphonse se trouve dans la bibliothèque du Château d'Uzeda et est en train de lire l'histoire de Thibaud de La Jacquière, fils d'un riche marchand devenu prévôt de Lyon, mais surtout jeune libertin connu pour sa débauche et qui essaye ici de séduire une jeune femme à la veille de ses noces. Cet extrait semble pleinement réactiver les ressorts de la littérature fantastique et étrange en présentant un récit où se mêlent monstres, humains, saints, libertins, réflexion, comique et la littérature elle-même.
Il semble donc possible de se demander en quoi ce récit se construit sur un système d'ambigüités, témoignage d'une remise en question de la littérature en général.
Dans un premier temps, il s'agira de constater l'importance des thèmes de la métamorphose et de l'hybridation qui balancent l'univers entre l'humain et le divin. Ensuite, il faudra étudier les ressorts du fantastique qui mettent en crise la réalité au sein de l'oeuvre. Enfin, il sera possible de remarquer à travers cet extrait composé sur un mélange des genres et la réécriture de textes connus, que l'oeuvre est une mise en abyme de la littérature (...)
[...] Dans un premier temps, il s'agira de constater l'importance des thèmes de la métamorphose et de l'hybridation qui balancent l'univers entre l'humain et le divin. Ensuite, il faudra étudier les ressorts du fantastique qui mettent en crise la réalité au sein de l'œuvre. Enfin, il sera possible de remarquer à travers cet extrait composé sur un mélange des genres et la réécriture de textes connus, que l'œuvre est une mise en abyme de la littérature. Les thèmes de la métamorphose et de l'hybridation sont récurrents dans Manuscrit trouvé à Saragosse, l'extrait que nous allons étudier ici en est un exemple. [...]
[...] Effectivement, cette scène se déroule de nuit et quand le protagoniste est retrouvé le lendemain matin il est décrit comme couché sur une charogne à demi pourrie comme si cette dernière n'était autre que ce qu'il a pris pour Belzébuth. Cette ambigüité entre rêve et réalité se retrouve souvent dans le roman et principalement au début lorsqu'Alphonse se réveille dans la Sierra Morena où l'on peut lire Je ne dormais plus, mais je n'étais pas encore réveillé Ainsi, il semblerait que tout le fantastique repose sur cet état entre le sommeil et le réveil qui ne permet jamais d'être certain de ce qui est raconté. [...]
[...] Ainsi, ce thème auquel s'ajoute le champ lexical de la vue à travers des termes comme à voir ou encore l'on vit témoigne de l'importance du regard qui trompe parfois, mais qui est surtout point de contact avec les différentes réalités auxquelles nous sommes confrontés. Ici le miroir ne montre pas Orlandine sous sa véritable apparence, mais le protagoniste ne l'a pas non plus vue telle qu'elle l'était réellement. L'ambigüité est une nouvelle fois dans cet extrait portée sur la notion d'explicite-implicite : faut-il croire ce que l'on voit ? [...]
[...] Il semble donc que dans ce texte, l'auteur ait utilisé les thèmes de la métamorphose et de l'hybridation dans leur sens le plus large afin de transcrire un nombre important de problématiques, et ce, de manière implicite. La métamorphose y dépasse donc son statut de lien entre l'humain et le divin, la réalité et la fiction, pour devenir l'illustration d'une réalité en crise qui semble être le sujet principal du genre littéraire fantastique. Le fantastique, selon la définition inspirée par les recherches de Roger Caillois et Tzvetan Todorov est un genre littéraire fondé sur la fiction, racontant l'intrusion du surnaturel dans un cadre réaliste, c'est- à-dire l'apparition de faits inexpliqués et théoriquement inexplicables dans un contexte connu du lecteur. [...]
[...] Or, cette œuvre est, tout en étant un récit picaresque, un moyen pour son auteur de remettre en question la littérature du Moyen Age fondée sur des histoires de chevalerie et de courtoisie. Il semble donc possible de se demander si à son tour, Potocki n'aurait pas utilisé un cadre picaresque à son récit dans le but de porter son lecteur vers une réflexion sur la littérature en général. Dans cet extrait, il est aussi possible de constater une certaine référence à des récits bibliques comme le prouvent les termes Belzébuth Jésus Satan saint nom saint ermite vénérable religieux miséricorde divine crucifix . [...]
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