Lecture analytique de l'extrait "Les mûres" tiré de l'oeuvre de Francis Ponge Le Parti pris des choses.
[...] Et si ce rapport, non rapport, des mots aux choses était de cette proportion que nous mesure la raison, quo signum tendit, de l'ordre de cette tension du signe, après le transit intestinal, celui de l'esprit qui prend semence et germe dans ce parcours du monde dont le poète fait profession, tension du signe vers un enseignement, l'objet poème se faisant morale de sa propre fable, de sa propre parabole : Ainsi donc ( ) réussissent en grand nombre les efforts d'une fleur très fragile quoique par un rébarbatif enchevêtrement de ronces défendue. Métaphore du poème, Flora inversa du troubadour qui plonge tel Narcisse en la fontaine, dans l'image de son propre poème. [...]
[...] D'autres objets se prêteraient peut-être infiniment mieux à son inspiration, des fruits plus riches aux sucs plus abondants, et pour comble, les mûres sont d'un accès très difficile, fruit d'une ronce qui déchirent vêtements et peau de qui y pénètre trop avant. Son aspect n'est guère plus évocateur, trois couleurs simples qui sont celles des âges de sa maturation Noirs, roses et kakis rien des reflets mordorés de l'abricot, des chatoiement de la grappe, du dégradé en pastel ou en lavis de la figue, non, une forme de sécheresse jusque dans les couleurs. [...]
[...] Les mûres sont un fruit pauvre en jus, un fruit dont il n'y a pas grand chose à tirer, mais leur simplicité et leur fleur les apparentent au poème dans le moment de sa création et de sa maturation, sa difficulté d'accès et la pauvreté de son jus parlent alors à l'esprit. Un fruit dont il n'y a pas grand chose à tirer Le poète souligne à plusieurs reprises la pauvreté du fruit : si peu de choses au fond leur reste (aux oiseaux) quand du bec à l'anus ils en sont traversés. [...]
[...] Ponge met en scène dans ce poème une étrange correspondance baudelairienne, un peu comme dans la forêt de symboles du poète des Fleurs du mal, les mûres deviennent image, symbole du poème. Dans Méthodes il pose la non communicabilité des deux mondes des mots et des choses, mais voici que s'établit une complexe correspondance difficile et malaisée comme les ronces qui figurent la difficulté de saisir son objet, et gênent le travail du poète tout autant qu'elles contribuent à le produire. [...]
[...] Les mûres sont donc formées d'une agglomération de sphères elles contiennent la perfection dans sa simplicité première : la sphère, la forme qui contient toute les formes pour la science antique, image redoublée du poème puisque lui aussi est puissance de création et contient une grande quantité de possibles, son nom signifiant d'abord création. Pourtant la perfection du poème n'est pas de l'ordre du savoir, ne conduit pas à la connaissance, il ne mène hors des choses ni à l'esprit c'est bien pour cela que Platon bannit les poètes de sa République, ils ne conduisent pas hors des choses, ils y ramènent, au contraire, par des imitations trompeuses. [...]
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