Lecture analytique de l'extrait "La jeune mère" tiré de l'oeuvre de Francis Ponge Le Parti pris des choses.
[...] Les yeux sont emplis de confiance comme s'ils n'en doutaient pas. De la sorte, un troisième personnage serait présent, signifié par le regard relevé de la mère, l'homme, le père. Le tableau du corps de la jeune mère par autant d'indices mettrait en image une scène de famille, la mère allaitant l'enfant, le père, sans doute de face, regardant la jeune mère, l'enfant dans les bras de celle-ci, le regard remontant du corps de l'enfant tétant au visage du père regardant. [...]
[...] Comment représenter une jeune mère sans son enfant, qu'est-ce qui, sans lui, la signale encore comme mère ? Mais aussi, avec l'enfant, qu'est-ce qui la donnerait encore pour femme ? Le poème tableau, blason, de Ponge : La jeune Mère représente une femme après l'accouchement, sans l'enfant, il n'y est nulle part explicitement, la femme semble occuper tout l'espace du tableau. La description s'attache, dans un premier temps, à distinguer les transformations du corps devenu maternel, mais ensuite, les indices s'amoncellent qui rappellent le passage ou, plutôt, celui qui est passé de l'intérieur de la femme enceinte au monde extérieur où le corps de la mère l'accueille, l'enfant sans qu'on le dise. [...]
[...] Il y a comme un décentrement, elle- même revient au monde, sans revenir à elle, à elle-même puisque telle qu'en elle-même la maternité la change. Mais l'égarement ne dure pas, l'activité extérieure la reprend, la voici à nouveau debout : . Mais bientôt sur pieds elle évolue parmi le pavois utile Le mot pavois peut avoir plusieurs sens, ici nous sommes manifestement dans le tissu, le troisième sens du mot : Ornementation de fêtes des navires. (Le petit pavois consiste en pavillons nationaux hissés en tête de chaque mât. [...]
[...] Ainsi la langue nous conduit, éconduit de cache en cache, derrière chaque nom surgit l'autre de la parole, celui qui la renvoie, celle qui l'adresse, et cet enfant, infans prétendument sans parole mais déjà tant parlé dans les mots qui le disent, creux, encorbellement de la phrase qui se plie sous son poids, déjà là dans tout ce corps transformé de la jeune mère dont le tableau en blanc est comme la page ou la toile qui le reçoit. Le poète est à ce dire assigné dont le poème est comme la réplique des mots à l'objet, naissance et désir, et qui de son regard tiers trahit ce que le lecteur sait d'elle, la jeune mère. Page tâtée, froissée, pli sur pli qu'à ce travail la sagacité s'exerce ! [...]
[...] II) L'enfant qu'on se le dise Si les yeux de la jeune mère sont baissés, ils le sont sur l'enfant, objet proche le visage lui-même est penché sur la poitrine et s'allonge. L'impression d'égarement des yeux rappelle l'état légèrement hypnotique de l'allaitement, ainsi l'enfant est-il bien signifié. Il se trouve niché dans ces bras et ces mains qui s'incurvent pour le recevoir. Mais ce regard se relève parfois en sollicitant la continuité Quelle est donc cette continuité sollicitée ? Est-ce celle dans laquelle se trouve le corps de l'enfant dans le prolongement de celui de la mère ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture