La scène de la première étreinte charnelle est un moment très attendu dans le récit libertin. Celle-ci a généralement lieu dans un lieu très précis et hautement signifiant. On se souvient par exemple du marquis de Valmont s'introduisant chez la jeune Cécile de Volanges. Dans le texte de Vivant Denon, les deux amants se lient charnellement à deux reprises et le pavillon de la terrasse, dont il est question dans l'extrait, est le premier élément d'un duo. En effet, dans le conte un second lieu est mentionné et fait écho au premier. A l'intérieur du château de Mme de T. le narrateur sera conduit, après maintes portes dérobées et escaliers cachés, dans une sorte de boudoir baroque lui aussi dédié à l'amour (...)
[...] L'utilisation du passé simple : nous frémîmes en entrant (l.16) met l'accent sur l'action en cours et l'entrée en ellemême. Le franchissement de la porte est un seuil dans le récit que le texte restitue par l'alinéa et le changement de paragraphe. La double tournure présentative : c'était un sanctuaire, et c'était celui de l'amour (l.16-17) rend compte des pensées du narrateur sur le moment. A l'instant où il découvre l'intérieur du pavillon, il constate que tout est fait pour l'amour. Le lecteur sait d'ores et déjà que la mise en scène de Mme de T. [...]
[...] L'extrait s'organise selon trois mouvements, matérialisés par la typographie (saut de ligne et alinéa). L'agencement du texte est signifiant et rappelle les différentes étapes de la séduction et de l'appel du désir. Le premier paragraphe (lignes 1 à 15) inaugure l'arrivée des deux personnages à proximité du pavillon, et sa découverte progressive. Le second (lignes 16 à évoque l'entrée dans le temple dédié à l'amour et suggère l'acte charnel. Le troisième ( lignes 30 à 38) exprime la confusion de Mme de T. [...]
[...] n'est nommée, dans notre extrait, qu'à la ligne 34 et son comportement paraît contradictoire. L'asyndète mime ses mouvements et le rapport sensuel est rappelé avec la mention des bras de la tête et du sein L'abondance de verbes conjugués à l'imparfait : se réfugiait (l.34), cachait (l.35), soupirait (l.35), se calmait (l.36), s'affligeait (l.36), se consolait, et demandait (l.37) traduit le trouble, réel ou feint, de la libertine. Il semble qu'elle joue elle-même un rôle dans sa propre mise en scène, en jouant la femme adultère, ayant trahi son ami et compromis son amant aux yeux de celle-ci. [...]
[...] L'artificialité et la qualité de la mise en scène de Mme de T. sont rappelés par le canapé qui occupait une partie du temple (l.21). Ce détail est absolument capital et traduit la parfaite orchestration; l'expérience libertine de la dame qui connaît parfaitement les accessoires indispensables à l'amour et où les disposer. A la ligne 21, l'évocation de la lune est métaphorique puisque le dernier de ses rayons emporta bientôt le voile d'une pudeur (l.23). Celle-ci permet de mettre en lien la tombée de la nuit et la tombée du dernier voile, juste avant l'acte sexuel. [...]
[...] Troisième paragraphe (lignes 30 à 38) Le dernier paragraphe de notre extrait est marqué par le champ lexical de la confusion et de la contradiction, une fois l'étreinte terminée. L'alinéa et le changement de paragraphe dénotent de façon claire une nouvelle étape dans la relation des deux amants. La première proposition du paragraphe: devenue moins tumultueuse (l.30) est antéposée et laisse planer le suspens en retardant l'annonce du sujet. L'expression peut tout aussi bien se rapporter à Mme de T. ou à l'ivresse (l.30) seulement citée après la virgule. Le tumult[e] et l'ivresse s'inscrivent dans le champ lexical de la passion des sens (l.31). [...]
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