"Musique après lecture" appartient aux "Poésies de A.O. Barnabooth" que Valery Larbaud (1881-1957) publie en 1908. Le titre du poème suggère le passage d'une activité à une autre, de la lecture à l'écoute d'une harmonie. Romancier, poète, traducteur d'auteurs espagnols et anglais, grand lecteur (il publie en 1925 Ce vice impuni, la lecture), Larbaud exprime en effet, dans ce texte, sa lassitude de la littérature, ou plus exactement, d'une certaine littérature : celle qui, à force d'artifices et de savantes recherches, s'éloigne de la "vie réelle".
C'est que, pour lui, la poésie ne doit pas se tenir enfermée dans les livres, mais doit jaillir de l'existence même. Cette volonté de faire sortir la poésie de ses cadres anciens se manifeste dans l'emploi de vers libres (vers non rimés, de longueur irrégulière) et dans l'absence de toute organisation en strophes.
[...] Les vers 5 à 13 précisent, pr une comparaison, comment Larbaud voit cette "vie" : comme un voyage où, le soir, la musique se mêle aux parfums. Le second mouvement fixe un moment privilégié de cette existence et en rappelle les circonstances et la douleur à et l'immense joie qu'il suscita chez l'auteur et 21). Explication suivie Vers 1-2. Ainsi que l'indiquent le point d'exclamation et la répétition de "assez le poème s'ouvre sur un cri de dégoût de la littérature (le titre nous a informés que l'auteur venait de lire un livre). [...]
[...] De 1902 à 1908, Larbaud a parcouru l'Europe et les Amériques ; durant cette période, sa vie n'a été qu'un long voyage exactement comme dans ce poème où il la compare à une "rue du Sud" (v. 6). Le "Sud béni" (où il se sent heureux) n'est pas précisé. S'agit-il de l'Espagne ? De l'Amérique du Sud ? La rue et la ville demeurent, elles aussi, anonymes. Remarquons l'importance du dessin géométrique dans cette description. La "rue" figure un plan horizontal, et les "maisons très hautes" (v. un plan vertical. [...]
[...] Le vers 10 commence, comme on reprend souffle après une longue phrase, par la répétition du mot la comparaison, apparue au vers en engendre une autre, par emboîtement : 5 Je te vois devant moi COMME une rue Rue, COMME un grand corridor parfumé. "Corridor" (passage long et resserré) rappelle les adjectifs "ouverte" et "interminables" qui s'appliquaient à la "vie" et : l'assimilation de la "vie" et de la qui possèdent les mêmes caractéristiques, devient totale. En dépit des apparences, les indications géographiques du vers 11 sont fort vagues. "Barrio del Mar" signifie en effet en espagnol "quartier près de la mer". [...]
[...] Barnabooth", Valery Larbaud (1908) - "Musique après une lecture" Poème Assez de mots, assez de phrases ! ô vie réelle, Sans art et sans métaphores, sois à moi. Viens dans mes bras, sur mes genoux, Viens dans mon cœur, viens dans mes vers, ma vie. Je te vois devant moi, ouverte, interminable, Comme une rue du Sud béni, étroite et chaude, Et tortueuse entre des maisons très hautes, dont les faîtes Trempent dans le ciel du soir, heurtés Par des chauves-souris mou-volantes ; Rue, comme un grand corridor parfumé D'un Barrio del Mar dont la mer est en effet voisine, Et où, dans la nuit calme, tout à l'heure, Les serenos psalmodieront les heures . [...]
[...] Le vers 2 prolonge de la sorte le thème du dégoût orchestré dans le vers 1. En outre, de même que l'expression "ô vie réelle" se trouvait mise en valeur, de même "sois à moi", placé en fin de vers, prend une force particulière. Vers 3-4. La répétition en début de vers (procédé dit de l'anaphore) de "viens" rend plus pressente encore l'invocation à la "vie réelle". Cette insistance se traduit également par la gradation des mots "bras", "genoux" et "coeur", qui, par le mouvement suggéré, allant de l'extérieur vers l'intérieur (des "bras" vers le "coeur"), montre l'espoir de Larbaud d'être tout entier possédé par cette "vie". [...]
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