« On n'est pas sérieux quand on a 17 ans » écrivait Arthur Rimbaud. Ce poème évoque justement un souvenir au « Cabaret vert » sur la route de Charleville. Rimbaud le vagabond fait une halte et relate une scène de vie. En quoi ce poème est-il novateur et marque-t-il une rupture avec le sonnet traditionnel ?
Ce poème est un sonnet autobiographique. En effet, Arthur Rimbaud en est bien le sujet, à de nombreuses reprises, il parle de lui. « J'avais déchiré, J'entrais, je demandai j'allongeai. » L'usage répétitif du pronom personnel « je » et les verbes d'action insistent. Arthur Rimbaud se place en sujet roi, maître de ses expériences. Les nombreux indices spatio-temporels « octobre 1870, huit jours, Charleroi, Cabaret Vert, cinq heures du soir » situent ce sonnet dans un cadre précis de l'histoire personnelle du poète et dans le cycle de ses fugues, sujets de prédilection du poète.
[...] "Poésies", Arthur Rimbaud - "Au Cabaret vert " (1870) Cinq heures du soir. Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi. - Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines Du beurre et du jambon qui fût à moitié froid. Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table Verte : je contemplai les sujets très naïfs De la tapisserie. - Et ce fut adorable, Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs, - Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! [...]
[...] Dans le dernier quatrain, la légèreté s'efface au profit d'un certain lyrisme atteint par la vision du verre de bière, la chope est immense, avec sa mousse que dorait un rayon de soleil arriéré L'usage de l'adjectif immense change la dimension spatiale du poème, confiné dans l'atmosphère plaisante du Cabaret Vert, l'espace s'agrandit se spiritualise. Le vers final est lyrique. Rimbaud atteint l'extase. Ce poème écrit vers 17 ans par un enfant terrible de la Poésie contient les thèmes chers de Rimbaud, plaisir et liberté, rupture avec une poésie trop solennelle et désir de rompre avec la tradition littéraire. Le jeune anticonformiste s'affranchit des règles et crée un sonnet audacieux, très frais, novateur. Sa poésie mêle le prosaïsme au lyrisme final, les plaisirs gustatifs et l'attirance sexuelle. Sa poésie est résolument moderne. [...]
[...] Rimbaud apparaît comme un épicurien, bon vivant à la recherche des plaisirs simples. Le champ lexical de la nourriture abonde : tartines, beurre, jambon, ail Les rejets valorisent les plats dégustés. La nourriture est simple et appétissante, elle est source de plaisir Bienheureux écrit-il au vers 5 Cette nourriture attise les sens, la vue je contemplai l'abondance des couleurs rose blanc le goût et l'odorat : parfumé d'une gousse d'ail Le poète, tous les sens en éveil, évoque une scène proche de la béatitude voire presque de la régression enfantine provoquée par la vision des tartines de beurre Lorsqu'on évoque le plaisir, nous ne sommes pas sans évoquer le plaisir quasi érotique déclenché par l'apparition de la serveuse décrite avec provocation et grossièreté par les qualificatifs tétons énormes, yeux vifs Du jambon tiède, dans un plat colorié Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse d'ail reprend-il au début du dernier tercet, est-ce une métaphore pour qualifier la serveuse appétissante et parfumée par les odeurs de la cuisine ? [...]
[...] En quoi ce poème est-il novateur et marque-t-il une rupture avec le sonnet traditionnel ? Ainsi, dans une première partie nous étudierons l'aspect autobiographique et prosaïque, puis nous aborderons ensuite la découverte des plaisirs charnels dans ce poème de jeunesse. Ce poème est un sonnet autobiographique. En effet, Arthur Rimbaud en est bien le sujet, à de nombreuses reprises, il parle de lui. J'avais déchiré, J'entrais, je demandai j'allongeai. L'usage répétitif du pronom personnel je et les verbes d'action insistent. [...]
[...] Arthur Rimbaud se place en sujet roi, maître de ses expériences. Les nombreux indices spatio- temporels octobre 1870, huit jours, Charleroi, Cabaret Vert, cinq heures du soir situent ce sonnet dans un cadre précis de l'histoire personnelle du poète et dans le cycle de ses fugues, sujets de prédilection du poète. Cette fugue dure depuis huit jours elle est évoquée par l'usure de ses bottines. L'allusion aux bottines rappelle les «souliers blessés» de Ma bohème Il témoigne ainsi de la véracité de ses expériences, de ses souvenirs et l'abondance de références temporelles provoque chez le lecteur un effet de réel, d'ancrage. [...]
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