L'art poétique, tel qu'il est considéré depuis la « crise de vers » conceptualisée par Mallarmé, c'est-à-dire comme présentant une langue poétique, avec un jeu sur les signifiants et des effets de rythmes, et ce en pouvant avoir abandonné la versification, est constamment empreint de ce dilemme qui questionne le rapport de la Poésie à la tradition et à la modernité. Ainsi, dans sa célèbre lettre du voyant, Rimbaud nous informe que la Poésie est à la fois « en avant », tout en étant tout de même aussi « un peu la Poésie grecque ». Ainsi, la citation d'Henri Michaux, prononcée lors d'une conférence sur l'Avenir de la Poésie : « Car la vraie Poésie se fait contre la Poésie, contre la Poésie de l'époque précédente. » nous interroge tout d'abord sur ce qui peut être qualifié de « vraie Poésie ».
[...] Dans cette variation matérialiste autour du fruit, la figure antique de Symmaque est constamment invoquée, et ce en partant de sa définition tirée du dictionnaire Larousse. Il est dit par exemple page 238 : Symmaque (selon Larousse), grand païen de Rome, se moquait de l'empire devenu chrétien Ponge utilise cette figure antique non pas pour la déifier de par un culte de la figure antique dérivée de la tradition poétique. Au contraire, il se sert de la biographie de l'homme pour l'adapter à son propos actuel, qui est résolument empreint d'anti- cléricalisme. [...]
[...] Il dira plus tard lors d'une conférence que la Poésie est la main-mise de l'homme sur la création L'absence de majuscule à homme nous renvoie ici au poète dans sa singularité, qui essaye de poser son empreinte sur le processus de création, commun à tous les poètes. Cette singularité du poète, pour Reverdy, devait se cultiver en se postant finalement dans un certain retrait par rapport au monde. C'est ainsi qu'il décida en 1926 de se retirer à l'abbaye de Solesmes, et ce jusqu'à sa mort en 1960, et ce pour cultiver son Moi poétique qui était sans pareil. [...]
[...] Cela se voit à l'intérieur des poèmes par la présence de segments graphiques et de métaphores récurrentes qui gravitent autour des ardoises et des pierres. Cela se voit dès le poème liminaire, lorsqu'il est dit : Sur chaque ardoise/qui glissait du toit/on/avait écrit/un poème Ce mouvement de renouvellement est donc absolument nécessaire à toute création poétique, et ce en captant le feu du temps d'écriture. La nouveauté est aussi essentielle dans la volonté de recherche de la vérité, qui passe pour le poète par une exploration sensible du monde dans lequel il vit, afin de retraduire ses mouvements. [...]
[...] Ainsi, l'art poétique de Ponge doit s'opposer à celui de Michaux, de Reverdy, etc., afin d'affirmer sa singularité et de se placer plus globalement contre tout mouvement empreint d'une idéologie constituée. Finalement, il évoque, dans la droite lignée de Michaux, que la Poésie doit s'écrire contre la littérature en somme, contre ce qui a déjà été érigé en tant que poétique, afin de faire comme si à chaque fois il fallait réinventer ce qu'est la poésie, la littérature. Dans le même esprit, il est très important pour Ponge d'écrire contre la Poésie-Ponge, c'est-à-dire d'écrire contre ce qu'il vient déjà de produire, en changeant à chaque fois de logique. [...]
[...] Cet héritage est aussi celui du poète à sa table de travail qui est dans une situation de création millénaire qui marque l'unicité de la Poésie. Seulement, il faut prendre en compte le mouvement de renouvellement intrinsèque à la Poésie : le Poète doit s'adapter au temps qui est le sien, et ceci en s'astreignant à renouveler la langue et son usage par son art. Finalement, il est absolument essentiel de comprendre que la Poésie est avant tout la quête d'une singularité poétique, d'un Moi poétique qui est nécessaire à la création et qui va à l'encontre de toute influence. [...]
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