Le fait de décrire dans un texte littéraire une œuvre d'art, c'est-à-dire de transposer en mots lus dans un ordre précis une série d'impressions sonores ou visuelles désordonnées, est une figure de style pour la rhétorique antique, appelée ekphrasis. Elle a été mise en œuvre pour la première fois par Homère, dans très célèbre description du bouclier d'Achille au chant XVIII de l'Iliade, et réutilisée par la suite dans la littérature, qu'elle soit latine — Pétrone par exemple — ou française — Baudelaire ou Claude Simon plus récemment dans Triptyque.
Paul Verlaine réutilise, dans ses Poèmes saturniens (1866) cette figure de style, qu'il mêle avec un autre procédé de rhétorique, l'hypotypose (qui consiste à écrire une description de telle sorte qu'elle la plus visuelle possible, pour que le lecteur ou l'auditeur se la représente facilement). La section « Eaux-fortes » du recueil offre quelques exemples de cette façon d'écrire.
Le poème « Effet de nuit » présente un paysage nocturne où a été dressé un gibet vers lequel marchent des condamnés, inspiré du Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand. Le sujet est court, mais il donne lieu à un poème de quatorze alexandrins déroulant un tableau moyenâgeux, obscur, et terrifiant.
[...] Il faut également noter que les pertuisanes et la pluie semblent emprisonner les prisonniers : les premières parce qu'elles sont comparées à des herses les secondes, parce que, assimilées à des lances, elles peuvent être comprises dans cette comparaison. Conclusion Le poème s'achève sur cette image de pluie imitant des lances, et de lances allant à contresens de la pluie. Ce qui est stupéfiant, dans ce dernier vers, ce n'est pas le propos, assez banal, c'est la musicalité et l'image que Verlaine créé. [...]
[...] Cette nouvelle partie du poème, décrivant une partie plus rapprochée de l'œil de l'artiste dans la gravure, va du vers 4 au vers 10. Cette phrase à nouveau extrêmement courte est suivie, comme c'était le cas dans la première partie du poème, par une phrase très longue (trois vers, quasiment quatre), qui décrit le gibet en commençant par le haut, la tête des pendus, pour terminer aux pieds des morts, mimant encore une fois le regard qui se déplace verticalement ici, et mettant ainsi l'accent sur la verticalité, caractéristique d'un pendu. [...]
[...] Le mouvement de l'œil, jusqu'ici descendant, redevient ascendant dans les vers 8 à 10, avec des buissons dressant leurs feuillages, un petit peu comme si l'œil, après avoir atteint les loups aux pieds des pendus, passait à côté et suivait les buissons qui remontent, dessinés là par le graveur. Ces trois vers à 10) sont encore une seule phrase, longue et nominale nous sommes toujours dans une pure description. Ils représentent une nature hostile : les arbustes sont des buissons d'épine des houx ils sont donc piquants qui dressent l'horreur de leur feuillage La gravure reste dans un ton noir : le fond est dit fuligineux c'est-à-dire chargé de suie, manquant de clarté, confus La confusion est par ailleurs soulignée par l'allitération en III. [...]
[...] "Poèmes saturniens", Paul Verlaine (1866) - "Effet de nuit" Introduction Le fait de décrire dans un texte littéraire une œuvre d'art, c'est-à- dire de transposer en mots lus dans un ordre précis une série d'impressions sonores ou visuelles désordonnées, est une figure de style pour la rhétorique antique, appelée ekphrasis. Elle a été mise en œuvre pour la première fois par Homère, dans très célèbre description du bouclier d'Achilles au chant XVIII de l'Iliade, et réutilisé par la suite dans la littérature, qu'elle soit latine Pétrone par exemple ou française Baudelaire ou Claude Simon plus récemment dans Triptyque. [...]
[...] Ces pertuisaniers effectuent le seul réel mouvement de tout le poème : ils sont dits en marche Le rejet de cette expression au vers suivant lui donne une importance certaine, qui va de pair avec le fait qu'elle est, comme il a été dit, la seule expression d'un mouvement. Les vers 13 et 14 présentent un mouvement oculaire ascendant et descendant assez complexe, déjà entamé par l'adjectif hauts au vers 12. En effet, on peut voir que, si les pertuisanes portées par les soldats sont orientées vers le haut, la pluie, elle, descend. [...]
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