Commentaire en poésie en plusieurs parties sur le poème de Victor Segalen : "char emporté".
[...] Il apparaît, d'abord, livré à des tourments violents et intérieurs, mais n'en évoque pas moins une culture différente, admirée, fascinante et transcendante. Ce poème offre, par bribes, les fragments d'une vision orientale et d'un rapport au monde plus apaisé mais surtout d'une réflexion intérieure sur le moi, proprement orientale. Victor Segalen, frappé de neurasthésie mourra cinq ans plus tard. On peut donc se demander si ce poème n'apparait pas finalement comme un préambule, une prédiction funèbre ou bien une volonté tardive de s'affranchir de ses troubles pour, se détachant d'un corps devenu« fou », espérer accéder au spirituel. [...]
[...] Nous verrons que le poète procède également beaucoup par substitution. « Je suis mené » s'oppose nettement avec « qu'il mène » et signe l'impuissance du poète face au courant de ses pensées. La strophe est également empreinte de métaphores, notamment lorsque le poète rapproche ses pensées de la périphrase « cavales sans mors ». Il établit un rapport direct entre les productions de son esprit et des juments cavalant sans bride. C'est ici la non-maitrise et la vitesse de ses pensées qu'il met en évidence. [...]
[...] L'image de la licorne traduit, par ailleurs, la parfaite réunion des croyances occidentales et orientales. En effet, elle est cet animal à la foi pur et indomptable qui fascine les hommes. Plus largement, la question de la discipline et de la maitrise de l'esprit sur le corps rendue par l'image du cavalier et de sa monture est une symbolique très forte empruntée à la spiritualité orientale. On retrouve encore des figures de contraste, comme cet oxymore qui prête à l'animal « le galop doux », rendant ainsi compte de deux ressentis simultanés, pourtant opposés. [...]
[...] Et c'est ici également qu'apparait l'image de la Licorne. Elle représente l'intervention du merveilleux dans le récit, propre à l'épopée. S'ensuit une longue description de la « bête », « écailleuse » et « nacrée » telle que l'imaginaire collectif a l'usage de la dépeindre. L'animal se présente, par ailleurs, « les yeux pleins de ciel » : il s'agit ici encore d'une métaphore nous invitant à comprendre la destination de la course de l'animal et plus métaphysiquement les aspirations célestes du poète. [...]
[...] Ici, il rêve d'une confrontation. Si le poème trahit intentionnellement la fascination du poète occidental pour la culture orientale, il dépasse largement ce cadre, donnant à voir plus en avant une recherche très personnelle, teintée de spiritualité. La troisième strophe permet une immersion plus grande dans l'esprit, cette fois, du poète et de son moi intime. En effet, dans l'exclamative il se voit et se juge, lui-même comme un « éperdu » dans une « course à rebours ». Il tempère cette ardeur inexplicable grâce à la locution adverbiale « pourtant » et sur une analogie de construction grammaticale « où/où/où » renvoyant à la répétition, à la structure et à l'ordre des choses. [...]
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