Le poète-chaman Serge Pey, contemporain de notre siècle, est l'auteur d'ouvrages poétiques comme La langue des chiens, Nierika ou les Mémoires du cinquième soleil. Le poème Graffiti, extrait du recueil Si on veut libérer les vivants il faut savoir aussi libérer les morts, est composé de dix-neuf strophes, appelés « graffiti ». Il prend la forme d'un poème anaphorique commençant par « Dans un pays où... » sauf dans le dernier graffiti qui peut être vu comme un aphorisme. Le thème de la liberté est central. Pourtant, la liberté évoquée dans le poème semble inversée, contraire à son essence. Quel serait alors le message transmis par ce renversement des valeurs ? Quel sens prend la liberté dans ces conditions ? Pour répondre à ces questions, nous suivrons les trois axes suivants : dans une première partie, nous étudierons le caractère double du poème, nous verrons dans une seconde partie que la liberté en question est corrompue par l'Homme, enfin nous traiterons du désir du Poète de reconquérir sa liberté (...)
[...] Dans leur sens courant, ces expressions ne toucheraient pas le lecteur outre mesure. Remotivées, elles nous font réfléchir. Comme le dit Pey lui-même Parfois les questions tournent comme des cordes et attachant d'autres questions On peut déceler dans ce poème quelques points ambigus. Pey fait une critique acerbe du progrès dans les graffitis : Dans un pays où le pétrole / recouvre la mer seuls / les désinfectants sont libres n°12 : . où l'on procède / à des essais nucléaires seule / la radioactivité est libre et où l'on fait des images / pour remplacer le feu seule / la télévision est libre Cette critique est cependant réaliste dans les mots employés, qui ont l'inverse d'une connotation poétique (radioactivité, désinfectants). [...]
[...] Selon la logique du poème, la liberté n'appartient plus à l'Homme mais aux choses par lesquelles il la perd. Par exemple, selon le graffiti l'amour qui engage la liberté de l'homme à exprimer ses sentiments, se voit tomber sous les pierres, et ces mêmes pierres, qui sont les bourreaux de l'amour, lui volent aussi sa liberté. Tout ce qui est libre dans ce poème est ce qui nous ôte notre liberté. D'ailleurs, bien que les substantifs enfants femmes peuples ou poètes sont employés, le terme générique homme(s) n'apparaît jamais (excepté dans l'expression lexicalisé musée de l'homme Cette exclusion de l'Homme au sein du poème métaphorise la perte de sa liberté, voire son exclusion du pacte l'unissant antérieurement à la liberté. [...]
[...] On le remarque particulièrement dans les graffitis où l'on enterre / la révolution dans les mausolées seules / les momies sont libres et où l'on hésite / entre les enfants et les chiens seuls / les colliers sont libres la notoriété culturelle de l'article défini dénote la valeur universelle que prend ce poème et cela se remarque dans le choix de nommer chaque strophe un graffiti. Un graffiti est un dessin fait par des jeunes souvent sur des murs de la rue. Ces jeunes, par leur graffiti, revendiquent leur droit de s'exprimer, chez eux, dans la rue. Pey se veut un poète de la rue. En effet, ses poèmes donnent lieu à des performances dans la rue et sont mis en scène. Bref, l'ambiguïté de ce poème vient de l'alliance dans une langue poétique de faits actuels métaphorisés ou employés ‘crûment'. [...]
[...] Quel serait alors le message transmis par ce renversement des valeurs ? Quel sens prend la liberté dans ces conditions ? Pour répondre à ces questions, nous suivrons les trois axes suivants : dans une première partie, nous étudierons le caractère double du poème, nous verrons dans une seconde partie que la liberté en question est corrompue par l'Homme, enfin nous traiterons du désir du Poète de reconquérir sa liberté. Dans ce poème, chaque strophe ou graffiti est formé de trois vers. [...]
[...] Il en est de même pour la mer et le pétrole. Une photo emprisonne des forêts gigantesques sur 15x10 cm, les colliers enchaînent les enfants, les masques emprisonnent la beauté des femmes L'exemple de la camisole et des prisons est le plus frappant et contraire à la logique : comment une camisole qui ceinture l'homme jusqu'à l'empêcher de faire le moindre mouvement ou une prison qui lui ôte physiquement sa liberté, pourraientelles être libres ? Sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, le comble de la liberté ne serait-il pas d'être emprisonné ? [...]
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