Pline l'Ancien (Caius Plinius Secundus, 23-79) est peut-être le premier encyclopédiste de l'Antiquité : il a compilé toutes les connaissances dans son Histoire naturelle, dans laquelle il faut entendre le sens grec d'enquête, comme chez Hérodote : Pline s'est donc efforcé d'explorer toutes les connaissances concernant la nature, le monde. Après un premier livre se présentant comme une table des matières avec sa bibliographie, Pline s'attache dans le deuxième à l'astronomie, description de l'univers : il parle de Saturne, de Jupiter, de Mars, du Soleil, de Vénus et de Mercure, et son énumération s'achève avec la Lune dont il est question ici. Les paragraphes 12 et 13 décrivent la complexité et la beauté des aspects de la lune, tandis que les deux suivants s'efforcent d'expliquer les phénomènes décrits.
Nous montrerons d'abord que Pline fait ici une synthèse des connaissances scientifiques de l'époque sur cet astre, puis nous verrons qu'il s'agit aussi du témoignage subjectif d'un lettré ; finalement, Pline montre ici les bienfaits que procurent les lumières de la connaissance, "tenebrarum remedium".
I. Une synthèse efficace des connaissances scientifiques sur la lune
1) Une écriture condensée et pédagogique
- Le texte frappe d'abord par son allure énumérative, accumulative : Pline cherche à en dire le plus possible en un minimum de lignes.
-> Longue phrase 2, avec pas moins de 16 adjectifs ou participes se rapportant à la lune comme sujet.
-> L'énumération est relancée par "Jam vero" (l.7).
-> Après "magistra", Pline énumère tout ce que la lune a enseigné aux hommes, d'où les nombreux verbes à l'infinitif, ou les infinitives, des 10 dernières lignes.
- On trouve peu de verbes dans les deux premiers paragraphes, et des phrases quasi ominales, ce qui donne un rythme rapide et une grande densité. Le texte s'apparente ainsi à une note de synthèse, qui tente d'être aussi complète (dans le détail : "Quae singula", l.8) que succinte. Ainsi, on relève seulement quatre verbes dans le §12, et la 1ère phrase du §13 fait l'économie de "est". En outre, plusieurs affirmations des deux derniers paragraphes ne reprennent pas le sujet : "regi", "augere", "adspici", etc. (...)
[...] L'astre fait l'objet d'une contemplation soulignée deux fois : contemplantium au début et contemplatione à la fin. Le féminin de luna utilisé tout au long du texte facilite le rapprochement avec la femme. La complexité des aspects de la lune permettent d'assimiler cet astre à une maîtresse difficile à approcher, à cerner. - Mais la lune est aussi présentée comme une maîtresse dans le sens d'enseignante : magistra : le mot est bien mis en valeur en toute fin de phrase (l.15), comme l'était lunae dans la première phrase (l.2). [...]
[...] - On trouve peu de verbes dans les deux premiers paragraphes, et des phrases quasi nominales, ce qui donne un rythme rapide et une grande densité. Le texte s'apparente ainsi à une note de synthèse, qui tente d'être aussi complète (dans le détail : Quae singula l.8) que succinte. Ainsi, on relève seulement quatre verbes dans le et la 1ère phrase du fait l'économie de est En outre, plusieurs affirmations des deux derniers paragraphes ne reprennent pas le sujet : regi augere adspici etc. [...]
[...] Ideo inaequali lumine adspici, quia, ex adverso demum plena, reliquis diebus tantum ex se terris ostendat quantum a sole ipsa concipiat ; in coitu quidem non cerni, quoniam haustum omnem lucis aversa illo regerat, unde acceperit. Sidera vero haut dubie umore terreno pasci, quia dimidio orbe maculoso cernatur, scilicet nondum suppetente ad hauriendum ultra justa vi ; maculas enim non aliud esse quam terrae raptas cum umore sordes. Defectus autem suos et solis, rem in tota contemplatione naturae maxime miram et ostento similem, magnitudinem umbraeque indices exsistere. [...]
[...] A l'admiration et à l'amour s'ajoute donc la source des connaissances. Un exercice littéraire - Dès lors, le texte ne se limite pas à un exposé scientifique mais à un exercice littéraire cherchant à mettre en valeur, de manière plus subjective. Même si la mythologie a sa place dans la science antique, l'allusion au mythe d'Endymion introduit dans cette synthèse tout un pan de légende, souvenir de Pseudo-Apollodore et de sa Bibliothèque (abrégé de mythologie grecque, IIème siècle av. J.C.), ou d'Ovide (Amours, 13). [...]
[...] Le sommeil d'Endymion (qui conserve toute sa beauté par ailleurs) renvoie lui aussi à cette sérénité acquise par le savoir, et comme protégée. L'esprit de la philosophie antique - Plusieurs aspects du stoïcisme se manifestent dans ce passage. Cicéron, au siècle précédent, et Sénèque, contemporain de Pline, ont déjà donné leur voix à cette philosophie. Le sage cherche à connaître les causes des phénomènes naturels et Pline salue les mérites des savants : lucem nobis apuere in hac luce l.10 C'est le même verbe aperire que l'on trouve au début : ab natura apertum (l.2). [...]
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