Une pierre, Le pays découvert, Yves Bonnefoy, Master 1 Littérature, poème, drame, destruction, création
Dans les poèmes d'Yves Bonnefoy, le monde naturel est souvent agité, voire détruit par ses propres mouvements. Les poèmes choisis témoignent de cette violence du monde naturel, capable, sous l'impulsion de ses éléments, de provoquer catastrophes et cataclysmes. Mais l'écriture de cette destruction devient une poétique de création ou de recréation. La mise par écrit du drame se pose en témoignage, en mémoire de cet évènement. Cependant, ces écrits portent aussi l'espoir d'une renaissance du monde. En surimpression de mythes apocalyptiques se dessinent les mythes des origines ; sur le récit d'un déluge est évoquée la Création. Plus qu'un sentiment, le lien entre destruction et création s'explique par les dynamiques naturelles que suscitent ces deux évènements : tous deux se confrontent aux apories de l'espace-temps et de l'être et du néant. La destruction se pose ainsi comme destruction de l'être et construction du néant, destruction d'un état du monde pour une construction d'un nouvel état du monde, plus dépouillé et proche du néant originel. En ce sens, la destruction tend à la préservation d'une part de néant, d'« à construire ». Cette superposition des épisodes de destruction et de création interroge les boucles aporétiques formées par l'être et le néant.
Nous nous demanderons en quoi le chaos représente le néant à la fois apocalyptique et originel, dans lequel la destruction trouve son propre dépassement par la survenue d'une nouvelle forme d'existence.
[...] « Le pays découvert » propose une autre forme d'harmonie puisque le chaos représenté permet une conciliation des contraires. Aussi la victoire du « silence du vent » sur « parole » permet-elle l'affirmation d'un langage muet, différent mais non moins sensé que le langage parlé. De même, le « fleuve nul », asséché, se présente sous la forme d'un sillon aussi marqué et fin que « l'éclair » : éléments terrestres et célestes, aqueux et électriques semblent dès lors se refléter l'un l'autre et former une certaine unité. [...]
[...] « Le pays découvert » met en scène une perspective avec les adverbes locatifs « très loin, très bas » qui dessinent non seulement une étendue mais également des reliefs. Or, si des horizons se dessinent, ils ne se trouvent pas plus différents que les lieux présents. Le « là-bas » évoqué dans « Une pierre » est « transi », agité par les eaux, au même titre que « la parcelle » de terre dont l'engloutissement est décrit. De même, « Le pays découvert » révèle, au loin, un « fleuve » aussi sec que la « pierre grise » qui recouvre l'ensemble du pays. [...]
[...] Cette superposition des épisodes de destruction et de création interroge les boucles aporétiques formées par l'être et le néant. Nous nous demanderons en quoi le chaos représente le néant à la fois apocalyptique et originel, dans lequel la destruction trouve son propre dépassement par la survenue d'une nouvelle forme d'existence. Nous verrons que si chaos rime d'abord avec apocalypse, c'est que le déchaînement des éléments obéit à une certaine grammaire qui n'est pas sans rapprochement avec celle de la création (II). [...]
[...] Il se présente ainsi comme pleinement vivant et le chaos peut aussi bien se présenter comme final que comme originel : le chaos soulève les dynamiques aporétiques du monde sur lesquelles les mythes se font un plaisir de fantasmer. BIBLIOGRAPHIE : BONNEFOY Yves, Poèmes, Poésie/Gallimard BONNEFOY Yves, Œuvres poétiques, Bibliothèque de la Pléiade CINTAS Jean-Guy, « Origine et mémoire dans Les Planches courbes d'Yves Bonnefoy », in Le temps de la mémoire II : soi et les autres, dir. Danielle Bohler et Gérard Peylet, Presses Universitaires de Bordeaux https://books.openedition.org/pub/26456 FROIDEFOND Marik, « Bonnefoy et Dutilleux. [...]
[...] La Genèse elle-même expose le ciel et la terre comme étant les premières créations de Dieu. Ce dénuement de la terre laisse songeur le « je » poétique du poème « Une pierre » : la terre dévastée appelle le souvenir et la projection d'une terre sans doute plus féconde, vivante et abondante. Les caractéristiques de cette terre sont cependant laissées à l'imagination puisqu'elle n'est pas décrite. Elle apparaît seulement comme une voix émanant d'un au-delà : la deuxième personne du poème et le discours direct qui parcourt les premiers vers peuvent apparaître comme cette terre avec qui le « je » serait en dialogue. [...]
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