« Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté, / Rend au jour, qu'ils souillaient, toute sa clarté ». Cette ultime parole de Phèdre à la scène finale peut être appréciée comme une réponse à l'extrait que nous allons étudier, passage qui s'étend du vers 1231 au vers 1250, appartenant à la première tirade de la scène VI de l'acte IV, où les thèmes de la lumière, de la faute et de la mort sont des motifs récurrents.
Nous sommes à un moment de l'intrigue où Phèdre vient d'apprendre par Thésée l'amour qui lie Hippolyte à Aricie. Elle s'entretient alors avec Oenone à ce propos.
Nous pouvons articuler notre extrait en quatre mouvements : le premier, du vers 1231 au vers 1236, est un long questionnement alarmé dans lequel Phèdre se place en victime d'Oenone ; le deuxième, du vers 1237 au vers 1240, met en scène l'amour d'Hippolyte et Aricie tel que Phèdre l'imagine ; le troisième, du vers 1241 au vers 1244, Phèdre se recentre sur elle-même dans le désir de mourir ; et enfin le dernier mouvement, du vers 1245 au vers 1250, montre cependant une héroïne dans la retenue due à son statut de Reine. Tout notre extrait est placé sous le signe de la contradiction, du balancement entre Phèdre et les deux amants, de l'opposition symbolique entre différentes valeurs, du tiraillement entre des sentiments et leur contraire. Nous nous demanderons alors comment cette dualité, en s'intériorisant dans le personnage de Phèdre, donne à voir une scène empreinte de délires pathétiques et de violence qui n'a pour issue qu'une folie mortelle.
[...] La construction inversée du vers 1246, plaçant le verbe en fin de proposition, renforce le début du vers Encor dans mon malheur donc la persistance de cette condition déplorable. Mais la construction du vers a aussi pour but d'attirer notre regard sur ce verbe rejeté en fin de vers : le verbe observer accapare notre attention, comme pour signifier l'examen quotidien que subit la reine. En effet, la solitude de Phèdre est observée car son rang de reine lui empêche un isolement physique. [...]
[...] Or, la forme de sa demande laisse transparaître une certaine urgence du besoin. En effet, le chiasme aux vers 1243-1244 où J'attendais le moment répond à implorer par l'instance qui sous-tend ces paroles, est enclavé par la sémantique de la mort avec les termes «mort et expirer La mort apparaît donc comme littéralement pressée, en réponse au désir de fuite évoqué dans l'hypozeuxe du vers 1242. Vers 1243-1244, la lecture verticale à la rime implorer d' expirer formule une requête urgente d'aide par la mort, fuite devant la faute mise au jour par l'isotopie de la lumière. [...]
[...] D'ailleurs, séduire vers 1234 et instruire vers 1235 forment une antithèse verticale. En effet, séduire signifie détourner, tromper, au XVIIème siècle. Cette rime antithétique met en lumière le contraste éprouvé par Phèdre. Oenone était instruite des amours d'Hippolyte, alors que Phèdre, elle, était abusée. En outre, le verbe laisser insinue un délaissement de la part de la nourrice : celle-ci préférait s'allier aux amoureux plutôt qu'à la reine : tel est le sentiment de Phèdre. Le vers 1234 connait une inversion en plaçant De leur furtive ardeur en début de phrase, c'est-à-dire ce qui touche les amants, et en fin de phrase ne pouvais-tu m'instruire ce qui concerne la position de Phèdre. [...]
[...] Phèdre de Racine, explication linéaire de l'acte IV scène VI, du vers 1231 au vers 1250 Introduction Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté, / Rend au jour, qu'ils souillaient, toute sa clarté Cette ultime parole de Phèdre à la scène finale peut être appréciée comme une réponse à l'extrait que nous allons étudier, passage qui s'étend du vers 1231 au vers 1250, appartenant à la première tirade de la scène VI de l'acte IV, où les thèmes de la lumière, de la faute et de la mort sont des motifs récurrents. [...]
[...] / Les a-t-on Vus souVent se paRler, se cheRcher ? / Dans le Fond des FoRets allaient-ils se cacher ? Or, f et v sont des consonnes fricatives labio-dentales, la première étant sourde, la deuxième sonore. Les fricatives sont aussi appelées continues car le frottement par lequel le son est produit peut durer. Ainsi, les vers 1234 à 1236 peignent l'amour d'Hippolyte et Aricie dans la pérennité. Quant à l'allitération en r qui y est mêlée, elle montre la souffrance éprouvée par Phèdre à cause de cet amour. [...]
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