Jules Michelet est un historien français du XIXe siècle, spécialiste de la Révolution française. Marqué par un libéralisme démocratique et religieux, l'originalité de Michelet quant à sa pratique de l'histoire tient à son goût pour la philosophie. Son ouvrage "Le Peuple", publié en 1846 est donc intermédiaire à ces deux grandes œuvres et ouvre en quelque sorte l'Histoire de la Révolution.
Michelet donne ainsi au peuple, pris comme un acteur collectif essentiel, un rôle prépondérant dans l'histoire de la Révolution. On se trouve ici face à un passage de cette œuvre, et plus précisément dans la lettre préface adressée à Edgar Quinet avec qui il a déjà publié en collaboration le livre "Les Jésuites". Michelet propose ainsi une véritable lettre introductive à son œuvre "Le Peuple". Adressée à Edgar Quinet, cette lettre permet de construire un dialogue ou le troisième actant est le lecteur lui-même.
La question que nous pourrons nous poser est celle-ci : Comment à travers une simple comparaison au peuple barbare, Michelet fait à la fois l'éloge d'un peuple en route vers son avenir, et la mise en garde envers cette volonté excessive de l'aspiration au progrès ?
[...] C'est donc le sens du détail d'Albert Dürer, aussi caractérisé par sainte gaucherie expression antithétique qui vient ironiquement diminuer un certain talent. Dürer est en effet un artiste ayant démontré son extrême sens du détail à travers des œuvres portées sur la géométrie et les proportions. C'est le poli excessif de Rousseau qui est ici montré du doigt, mais au-delà d'un reproche purement langagier, Rousseau est, certes, un philosophe des Lumières, en raison du caractère révolutionnaire de ses idées, mais il est aussi à contre-courant de la confiance de son époque dans le progrès. Une confiance qu'exprime au contraire Michelet. [...]
[...] "Le Peuple", Jules Michelet (1846) - "Lettre-préface à M. Edgar Quinet" Souvent aujourd'hui l'on compare l'ascension du peuple, son progrès, à l'invasion des Barbares. Le mot me plaît, je l'accepte Barbares ! Oui, c'est-à-dire pleins d'une sève nouvelle, vivante et rajeunissante. Barbares, c'est-à-dire voyageurs en marche vers la Rome de l'avenir, allant lentement, sans doute, chaque génération avançant un peu, faisant halte dans la mort, mais d'autres n'en continuent pas moins. Nous avons, nous autres Barbares, un avantage naturel ; si les classes supérieures ont la culture, nous avons bien plus de chaleur vitale. [...]
[...] Ce peuple, celui de son époque, qui va connaître la révolution et la proclamation de la Seconde République en 1848. Même si cette dernière ne sera pas synonyme de victoire pour le peuple, comme l'aurait espéré Michelet. Il construit parallèlement à cela, une mise en garde, qui se dévoilera complètement dans la dernière phrase, où Michelet met en avant une modération quant à l'aspiration au progrès. Modération qui s'affirme à travers les invasions barbares : Barbares, c'est-à-dire voyageurs en marche vers la Rome de l'avenir, allant lentement, sans doute, chaque génération avançant un peu, faisant halte dans la mort, mais d'autres n'en continuent pas moins. [...]
[...] Le déterminant possessif leurs implique une nouvelle fois une distance opérée par Michelet entre lui, le peuple et les représentants de ces classes supérieures On retrouve des termes dépréciatifs teintés pour certains d'ironie : élégants écrivains enfants gâtés fièrement excentriques le verbe daigner L'adjectif vrais vient d'ailleurs marquer auprès d'enfants gâtés du monde un trait incontestable qui accentue le propos de Michelet. L'expression glisser sur les nues est tout à fait étrange. Elle paraît être le résultat d'un habile mélange entre deux autres expressions : être dans les nues qui signifie être distrait des choses matérielles, être dans un état de grande exaltation et l'expression tomber des nues qui signifie éprouver une grande surprise D'ailleurs les nues même représentent des espaces éloignés dans le ciel, proches ou non des nuages. [...]
[...] Le mot me plaît, je l'accepte Barbares ! L'expression de sa critique vient ici directement s'exposer. Michelet reprend le mot Barbares se l'approprie et le détourne d'une certaine connotation péjorative. Il est également intéressant de remarquer l'oralité, la théâtralité qui se dégage ici avec les points de suspension qui symbolisent une certaine pause dramatique, et le point d'exclamation qui donne une véritable puissance au mot Barbares Il s'agit bien évidemment d'un élément participant à la rhétorique de Michelet. Oui, c'est-à-dire pleins d'une sève nouvelle, vivante et rajeunissante. [...]
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