Le roman d'Albert Camus parut en 1947, et obtint un grand succès en France et à l'étranger. Il fit même ces dernières années l'objet d'une représentation théâtrale conduite par Francis Huster, et d'une adaptation cinématographique. On a souvent souligné les divers aspects de ce célèbre récit, à la fois chronique réaliste d'une épidémie de peste à Oran, œuvre à signification historique et sociale, allégorie de la France de 1940 occupée par les nazis, et roman métaphysique enfin sur la condition humaine absurde, soumise à la souffrance et à tous les maux, avec la mort pour seule issue.
[...] La révélation des signes de la maladie d'Orphée depuis leur apparition jusqu'à sa mort ne dure que le temps de l'opéra. Par ailleurs, Camus utilise diverses voix pour se faire entendre dans cet extrait. Nous rencontrons d'abord le docteur Rieux, l'auteur de la chronique, comme nous l'apprendrons à la dernière page du roman. Il était en effet le mieux placé par son métier et son activité dans les formations sanitaires pour être le témoin des épreuves et des souffrances de ses concitoyens. [...]
[...] ( ( ( Nous assistons ici à l'échec de la civilisation, dont le théâtre et l'opéra sont un des fleurons, devant le fléau de la peste. Oran en proie à la peste est le symbole de la condition humaine absurde, livrée à toutes les souffrances, et ne débouchant que sur la mort. Le spectacle de l'opéra, le luxe et le raffinement du décor et des costumes, la courtoisie mondaine des spectateurs, tout cela est radicalement nié par la peste, et s'effondre devant les réalités de la condition humaine, souffrance et mort. [...]
[...] ( ( ( La composition du récit est chronologique et simple. La première partie (ligne 1 à relate les faits et gestes d'Orphée aux premier et deuxième actes de l'opéra, et aussi le début de son agonie. La seconde partie à 18) emmène le spectateur au troisième acte, où nous assistons au malaise croissant du chanteur qui finit par s'écrouler sur la scène, devant un public horrifié. La troisième partie (18 à 29) révèle les premières réactions des spectateurs, qui dans un premier temps restent calmes et dignes, mais cèdent ensuite à la panique, en se ruant vers les sorties, à l'exception de Tarrou et Cottard. [...]
[...] Le théâtre est, non seulement impuissant à créer l'illusion à divertir les Oranais de leurs malheurs et de leurs angoisses journalières, mais il est même devenu de façon paradoxale, le théâtre de la vérité, le lieu où l'on éprouve la mort au lieu de la jouer. L'opéra n'est plus qu'une caricature de lui-même, quand le chanteur, désormais histrion désarticulé aux gestes fous, fait l'objet des commentaires effrayés du public. Le spectacle peu à peu ridicule et grotesque fait place en fin de compte au tragique. Vers la fin, la foule afflue vers les sorties et s'y bouscule (23 /24). [...]
[...] Bien plus profondément, Oran en proie à la peste est bien le symbole de la condition humaine douloureuse et absurde, condamnée à la mort. La dernière page du roman le redira clairement : Le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais définitivement Éventails et dentelles oubliés sur les banquettes par les Oranais paniqués désignent symboliquement le luxe et le raffinement de la civilisation, qui ne peut se maintenir ni contre la barbarie nazie, ni contre les mathématiques sanglantes qui règlent notre existence (Le Mythe de Sisyphe). [...]
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