Cette étude porte sur les différents aspects du personnage de Charles Bovary, époux d'Emma, dans l'intégralité de l'œuvre Madame Bovary, publiée par Flaubert en 1857. Le récit s'ouvre et se clôt sur ce personnage, qui s'efface toutefois souvent dans sa partie centrale. Charles devient ainsi, à travers le roman, tout à tour, et parfois simultanément, « un pauvre homme », « un cœur simple » et « Monsieur Bovary ».
Sémantiquement, « un pauvre homme » peut être une personne qui possède peu ou pas d'argent, un individu malheureux, propre à inspirer la pitié, ou bien dans un sens dépréciatif, péjoratif, un personnage pitoyable, lamentable, et donc ridicule et risible. Dans son œuvre, Flaubert caractérise rapidement de l'ensemble de ces aspects son personnage de Charles Bovary.
Ainsi, l'incipit, centré sur l'enfance, la jeunesse de Charles et son arrivée en classe, présente d'ores et déjà le futur médecin comme un personnage malheureux, rejeté par le groupe des élèves auquel il ne sait s'intégrer, et nullement aidé par le professeur, qui apparaît agacé malgré lui. Charles semble devenir un « bouc émissaire », tous rient de lui et se montrent désagréables à son égard: ainsi, l'on rit de sa casquette et l'on s'amuse en la faisant tomber de ses genoux: « Il se leva. La casquette tomba. Toute la classe se mit à rire. Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d'un coup de coude, il la ramassa encore une fois » (partie I, chapitre 1). En décalage par rapport au groupe, aussi bien sur le plan vestimentaire – son habit bariolé contraste vivement avec l'uniforme porté par tous – que comportemental – son attitude paraît bien trop sage pour cette classe –, et n'ayant visiblement que très peu de chances de s'intégrer, le jeune garçon peut faire naître chez le lecteur un certain sentiment de pitié, bien que l'ironie de Flaubert tende davantage à souligner l'aspect du ridicule.
[...] Ainsi, Charles n'a toujours aimé Emma que d'un amour pur désintéressé; il ne tend à guère davantage qu'au bonheur partager avec la jeune femme. Il ne désire de ce mariage qu'amour et bonheur partagés, alors que d'autres pourraient songer à d'éventuels bénéfices, tels une fortune plus grande ou une renommée accrue. Charles est, à Tostes, un médecin plutôt reconnu, alors qu'Emma est paysanne; il aurait donc pu demander à épouser une femme d'un rang et d'une fortune plus élevés mais il aime Emma et seul lui importe ce sentiment. [...]
[...] Bien qu'aisément impressionnable et souvent dominé par son entourage, Charles sait, quelquefois, s'imposer en tant que Monsieur Bovary. L'on peut ici relever deux aspects principalement: sa volonté d'assurer à sa fille Berthe une bonne éducation, en développant notamment au maximum ses talents artistiques car il voulait que Berthe fût bien élevée, qu'elle eût des talents, qu'elle apprît le piano 12) et son aptitude à faire, parfois, preuve d'une certaine fermeté dans l'affirmation de son opinion; cette fermeté est très rare et contraste avec la parfaite absence d'opinion ordinairement caractéristique du personnage: mais, par extraordinaire, Charles ne céda pas, tant il jugea cette récréation lui devoir être profitable mais Charles, pour la première fois se révoltant, prit la défense de sa femme, si bien que madame Bovary mère voulut s'en aller (III, la conjonction mais souligne dans ces deux exemples ce contraste il s'emporta si fort qu'elle se tut, et même il la chargea de se rendre immédiatement à la ville pour acheter ce qu'il fallait (III, il s'indigna plus fort qu'elle. [...]
[...] Jamais Charles ne se doute de la raison d'être des escapades nocturnes d'Emma, ni de celle des leçons de piano à Rouen, faisant ainsi preuve d'une crédulité qui le mène au ridicule. Après la mort d'Emma, le médecin refuse de comprendre l'évidence de la lettre ultime de Rodolphe (III, 11: Ils se sont peut-être aimés platoniquement se dit-il. D'ailleurs, Charles n'était pas de ceux qui descendent au fond des choses; il recula devant les preuves et voudrait pouvoir nier encore cette douloureuse réalité lorsqu'il découvre la correspondance d'Emma avec Léon et le portrait de Rodolphe (III, 11: Toutes les lettres de Léon s'y trouvaient. Plus de doute, cette fois! [...]
[...] Le bonheur de Charles ne nécessite ainsi pas beaucoup pour naître, se maintenir, et dure de la sorte à travers tout le récit. Le médecin se satisfait de très peu sur le plan émotionnel, affectif, ce qui appuie la caractérisation de cœur simple c'est un bonheur profond, durable, mais simple, fondé sur de petits éléments, détails peut-être insignifiants en réalité de l'attitude d'Emma, qui provoquent le ravissement, l'émerveillement de Charles: un repas en tête- à-tête, une promenade le soir sur la grande route, un geste de sa main sur ses bandeaux, la vue de son chapeau de paille accroché à l'espagnolette d'une fenêtre, et bien d'autres choses encore où Charles n'avais jamais soupçonné de plaisir, composaient maintenant la continuité de son bonheur souligne le texte. [...]
[...] Toutefois, dès son mariage avec Emma, Charles, depuis quelque temps déjà Monsieur Bovary aux yeux des autres, commence enfin à se considérer lui-même comme tel, sans cependant jamais dépasser certaines limites de l'auto-satisfaction. Cette estime que fait rejaillir sur lui la présence d'Emma à ses côtés se peaufine en l'appellation Monsieur et Madame Bovary qui est celle de leur vie conjugale extérieure, fort peu développée toutefois dans le récit, et de là à l'apparence inexistante dans le couple. C'est dans ce cadre que les époux sont invités au bal de la Vaubyessard, à la fois en remerciement des services rendus par Monsieur Bovary et du fait de la grâce et de la beauté de Madame qui a marqué le Marquis. [...]
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