La notion de « classicisme », si elle fut inventée au XIXème siècle pour les besoins de la cause romantique, correspond bien à une réalité, à une recherche esthétique qui caractérise le XVIIème siècle: la période du règne personnel de Louis XIV est marquée par la quête d'un ordre social, politique qui influence la vie culturelle. Les règles de symétrie, de mesure, de rigueur fondent la littérature. On a tendance à considérer Pascal, dont les Pensées ont été publiées en 1670, comme un pur représentant de cette conception rationnelle de l'art d'écrire. Or, un double problème se pose : la rédaction de l'œuvre, que l'on s'accorde généralement à faire débuter en 1656, et qui s'achève en 1662, précède historiquement l'apogée du courant artistique ; en outre, le texte, malgré sa forme brève, fait parfois preuve d'une exubérance qui s'écarte apparemment des préceptes classiques. C'est pourquoi on peut se demander dans quelle mesure les Pensées relèvent de cette esthétique qu'on leur attribue a priori. Si celle-ci est semble-t-il à l'œuvre dans la recherche d'une écriture de l'épure et de la variété, l'œuvre se caractérise également par ses accents baroques, utilisés peut-être précisément pour rejoindre l'idéal classique de naturel et de transparence.
[...] Comme la mode fait l(agrément, aussi fait-elle la justice. s'apparente ainsi à l'art de l'aphorisme dont La Rochefoucauld, qui publiera ses Maximes en 1665, sera le plus célèbre représentant. L'ellipse se donne à lire dans le fragment 65 qui rapproche abruptement Job et Salomon pour mieux les opposer. L'écrivain géomètre s'illustre dans la recherche du mot juste. À ce titre, le fragment 19 est révélateur: l'isotopie picturale qui s'y lit, à travers tableaux peinture perspective indique une recherche fondamentale d'équilibre. [...]
[...] Ainsi, les Pensées réalisent la synthèse des contrariétés esthétiques du XVIIe siècle dans l'aspiration au divin. L'écriture emprunte des accents baroques pour refléter et atteindre son lecteur. En cela elle se conforme au credo classique, emprunté à Horace, de l'utilité de l'art qui doit instruire et plaire Ce qui compte, en effet, c'est de toucher les bizarres, changeantes, variables orgues humaines pour en tirer des accords (fr. 51). Dès lors, plus que recherche esthétique, le classicisme pascalien se fait métaphysique. [...]
[...] II- Une thématique baroque Le mouvement L'anthropologie pascalienne introduit de façon récurrente les motifs du vertige et du gouffre. L'homme y est abîmé dans l'infinie immensité des espaces qu'il ignore et qui l'ignorent (fr. déchu d'une meilleure nature qui lui était propre autrefois (fr. 108), englouti comme un point dans l'univers (fr. 104). Son essence est donc faite de fluidité et d'un mouvement de déclin qui s'explique par la chute adamique. À cela correspond l'isotopie de l'eau. Symbole du passage, elle est typiquement baroque. [...]
[...] Les Pensées de Pascal relèvent-elles d'une esthétique classique ? La notion de classicisme si elle fut inventée au XIXe siècle pour les besoins de la cause romantique, correspond bien à une réalité, à une recherche esthétique qui caractérise le XVIIe siècle: la période du règne personnel de Louis XIV est marquée par la quête d'un ordre social, politique qui influence la vie culturelle. Les règles de symétrie, de mesure, de rigueur fondent la littérature. On a tendance à considérer Pascal, dont les Pensées ont été publiées en 1670, comme un pur représentant de cette conception rationnelle de l'art d'écrire. [...]
[...] Le thème de la vanité relève de la même idée. La vanité Après la première liasse qui définit l' »ordre général des Pensées, le texte s'ouvre sur une partie dont la place inaugurale dit l'importance. Au XVIIe siècle et dans l'esthétique baroque, la vanité a un sens spécifique: elle désigne en peinture une nature morte dans laquelle se rencontrent les signes, souvent un crâne, de la fragilité de la vie. Elle renvoie en effet au célèbre passage de l'Ecclésias vanités des vanités, tout est vanité Sa place dans les Pensées est donc tout à la fois religieuse et esthétique, et le motif de la mort s'y fait omniprésent. [...]
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