Ce n'est pas un hasard si toutes les éditions de Pascal font voisiner ce texte, traditionnellement dénommé les deux infinis, avec l'apologie de la dignité humaine énoncée dans la pensée qui suit immédiatement : "L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de l'univers, mais c'est un roseau pensant". La grandeur de l'homme est fondée sur la conscience, mais cette supériorité de l'homme sur tout le reste de la nature ne doit pas faire oublier la dualité de l'homme, agrégat aléatoire d'éléments contradictoires.
Comment montrer au libertin que sa raison n'aboutit qu'à des illusions ? (...)
[...] Il s'attache à ébranler confiance en soi en souveraineté de la raison pour construire une vulnérabilité, un sentiment de sa propre insuffisance qui amènera l'homme à se tourner vers Dieu. Et Pascal peut être violent dans ses propos : Humiliez-vous, raison impuissante ! Taisez-vous, nature imbécile ! Ecoutez Dieu ! 3-2Un homme opaque à lui-même. L'homme ne se connaît pas plus qu'il ne connaît le monde : l'injonction de Socrate se retourne en constat d'échec. L'homme est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature intériorise l'angoisse. [...]
[...] Mais si la clarté architecturale est indubitable, elle ne peut suffire pour parvenir à susciter l'angoisse. Là, c'est le style qui intervient. 2-2 convaincre/ persuader. Pascal, parmi les nombreux ouvrages qu'il a écrits, a aussi rédigé De l'art de persuader, dans lequel il souligne le rôle de la rhétorique pour toucher la sensibilité, le cœur du lecteur. Elle se déploie ici dans la gradation initiale qui invite à partir de ce qui est visible, le soleil, la terre pour tenter ensuite par l'imagination de franchir les limites de la perception. [...]
[...] Son art de persuader procède par éliminations successives : savoir se situer, puis connaitre les extrêmes, puis seulement le milieu Et quand tous les objets possibles de connaissance ont été éliminés, ne demeure que le sujet connaissant, celui-là même qui avait fourni à Descartes l'appui du Cogito. C'est l'occasion de la dernière estocade, dans cette gradation descendante des amputations successives qu'il impose à l'orgueil humain : L'homme est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature. 2-3 Un homme à l'image de Sisyphe. Une autre technique rhétorique consiste à faire tendre les efforts de l'homme vers un but, par exemple, l'infiniment grand dans le et quand on croit l'avoir atteint, on se retrouve face à la totalité de la tâche. [...]
[...] Cet abîme connote le vide et surtout la terreur dont on a vu qu'elle est indispensable pour provoquer une recherche de Dieu. Cf Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau et à la fin du Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi même et se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera. Concl : Le remède aux ravages mortels de l'orgueil, plus que dans une démonstration, se situera dans la construction méthodique et psychologique d'une intranquillité comme dira Pessoa, d'un vacillement de la conscience qui met en péril les certitudes. [...]
[...] 3-1De la tragédie au tragique. On a vu que le genre tragique au XVIIème siècle ne suppose pas toujours la peinture d'une humanité déchue, puisque la tragédie peut servir à Corneille à faire triompher un héros maitre de [lui-même] comme de l'univers La tragique de Pascal, par delà son siècle, s'apparenterait plutôt à celui de l'antiquité dans lequel les héros combat jusqu'au bout pour échouer sans cesse face à un destin qui le dépasse. Mais la force qui dépasse l'homme n'est plus un destin extérieur au sujet mais une contradiction interne : l'homme est à la fois grand et misérable, écartelé entre la raison et le cœur, mû par une aspiration à l'infini qui se heurte à sa finitude. [...]
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