Né en 1821 et mort en 1867, Charles Baudelaire est un des poètes majeurs de la littérature française. Il rompt avec l'esthétique classique en posant la modernité comme principe de création. Il tente de sortir l'esthétique de toutes les contraintes morales et proclame le beau dans le mal, la volupté de la violence.
"Le peintre de la vie moderne " est publié en 1893. Ce texte qui mêle critique, théorisation, commentaire et divagation poétique est considéré pour beaucoup comme la "summa" baudelairienne. Il y définit entre autres le concept de modernité. Il tente de publier cet ouvrage à la suite du procès des "Fleurs du Mal ". C'est une période très difficile pour lui : il peine à trouver un éditeur, il est malade de la syphilis, vit une amitié intense et tumultueuse avec Constantin Guys (le peintre qui inspira et qui sert d'exemple à Baudelaire tout au long de l'œuvre). Il sera finalement publié par le Figaro.
Bien que d'un point de vue purement philosophique, ce texte ne présente pas une source infinie de réflexions, il peut être intéressant dans la mesure où toute une vision de l'artiste, de l'art et surtout de la modernité y est développée et théorisée.
[...] Baudelaire nous narre l'œuvre et le type de personne qu'est M.G. (Constantin Guys), le peintre qui lui servira d'exemple et de base de réflexion tout au long du texte. Celui-ci est un artiste secondaire, modeste, mystérieux et autodidacte. C'est un voyageur cosmopolite bien plus ‘'homme du monde'' (‘'homme du monde entier, homme qui comprend le monde et les raisons mystérieuses et légitimes de tous ses usages'') qu'''artiste'' (‘'homme attaché a sa palette comme le serf à sa glèbe''). Tandis que l'horizon de l'artiste est très spécialisé et limité, celui de l'homme du monde est infini. [...]
[...] D'un certain côté, M.G. pourrait être appelé dandy : il possède la ‘'quintessence du caractère'' et ‘'l'intelligence subtile de tout le mécanisme de ce monde''. Cependant, il n'aspire pas à l'insensibilité, comme St Augustin, il ‘'aime passionnément la passion''. On pourrait le nommer philosophe si son attirance pour la plastique ne le séparait pas si profondément des astres de la métaphysique. La foule est son domaine. Il épouse ce mouvement ondoyant, fugitif, infini au sein duquel il flâne et observe. [...]
[...] Alors que David choisissant des modèles antiques, les habillait dans les modes de leur époque, les contemporains de Baudelaire choisissent des modèles de leur temps qu'ils affublent à l'antique. Ceci est un contre- sens, une faute de goût. Car chaque époque ayant son port, son sourire, ses allures, qui sont coordonnés avec la mode vestimentaire, il est extrêmement maladroit de mêler diverses époques. Cette considération commence à faire naître le concept de modernité ; on distingue quelque chose d'éternel dans l'art, dans ses sujets (puisque les peintres se tournent vers le passé pour créer). [...]
[...] De plus, par rapport à l'œuvre de Baudelaire, il peut paraître intéressant de se questionner sur la légitimité du Constantin Guys à être le modèle de l'homme moderne. En effet, ce n'est qu'un peintre mineur. On aurait pu espérer Manet, lui aussi très ami avec l'auteur. Cependant, il fut lui-même inspiré par Guys et par Baudelaire. Mais ce dernier est conscient de la médiocrité de son compagnon. Il veut, par cet exemple montrer à quel point la modernité est futile, fugace, elle n'a pas la prétention de durer et n'est sublime qu'un moment. [...]
[...] De ce fait, les postmodernes comme Walter Benjamin ou Paul de Man remarquent que dans la vision baudelairienne de la création artistique, la passion pour la modernité est autant nécessaire que l'opposition à celle-ci. Il faut la fuir pour percevoir encore plus nettement la réalité présente. L'art de Baudelaire alterne donc entre l'esthétique de la nouveauté et celui de l'idéal éternel. Le balancement de l'un à l'autre serait un des moteurs de l'histoire de l'art. C'est cette ambiguïté, cette nécessité d'être à la fois moderne et antimoderne qui empêche Baudelaire de plonger sa poésie dans la ‘'tradition de la rupture'', dans la ‘'rupture pour la rupture'' et ainsi l'autodétruire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture