La partie XIV du sentiment de nature aux Buttes chaumont constitue l'un des XIII chapitres retraçant l'itinéraire d'Aragon et de ses acolytes Marcel Noll et André Breton.
C'est au travers d'une réflexion sur les lieux sacrés permettant la liberation poétique -caractéristique du surréalisme- et le sentiment de la nature d'un monde facilitant la plongée dans l'imaginaire qu'Aragon s'interroge sur les formes d'une idée à partir de la notion de Mort violente qu'inspire le Pont des suicides. Cette nature perçue par le poète dans toute sa violence est le lieu propice permettant l'accès à cette femme inspirante contenue dans « chaque idée qu'en vain il cerne ». C'est en s'inspirant de la figure de la femme aimée qui donne forme à l'abstrait de l'imaginaire -Eyre de Lanur- que le poète accède à l'image phantasmée de « cette grande femme ». Dans ce passage lyrique, le choix de la prose prend tout son sens en ce qu'elle permet la libération de l'accès aux chimères, alors matière poétique. Le rapport étroit entre nature et amour est symbole mythique propice, pour le poète, à la dépossession de lui-même. Mais cet accès à la femme chimère faite de courbes et de formes, dans l'espace de l'imaginaire et de la prose se voit sans cesse entaché de la notion de mort, synonyme d'une perpétuelle désillusion.
[...] Celui ci trouve un rythme concordant avec celui de la femme comme le montre le parallèle entre cette dernière encore incomplète et le poète qui se pose un peu doublé par la paronomase délice/délire qui réunit les deux univers. C'est cette fusion encore fuyante qui prend enfin forme comme le permet et, conjonction logique qui répond au processeur mis en place et qui fait progresser le texte poétique. Le portrait est un accessoire concret qui agit contre l'abstrait, métaphore de l'écriture poétique qui tente par son assemblage de contenir tout un monde. [...]
[...] Pourtant le poète se focalise dans un ultime recours sur ses mains de magicienne qui détiennent la clé de la perdition de ce monde finissant. Le caractère dysphorique de la désillusion se révèle par les mouvements d'affolement du poète qui s'exclame dans une antépiphore que «ses mains, mais ce que je touche participe toujours de ses mains et par voici que et déjà C'est au poète désormais d'être piégé, contenu par la femme, captif de sa peau, absorbé comme une rosée éphémère. [...]
[...] Si sa tentativeive de délire poétique n'aboutit qu'à l'égarement de la pensée et à la retombée dans le réel, il s'agit néanmoins un accès forgé aux images tant recherchées dans le passage de l'opéra par le biais de l'écriture. Par cette femme muse, le poète exécute un méthode pour s'affranchir de certaines contraintes, un moyen d'accéder au delà de ses forces à un domaine encore interdit celui de ces nouvelles mythologies à délivrer. [...]
[...] Néanmoins les points de suspension à la place du chiffre trop grand pour que je le connaisse sont signe de l'aporie où se trouve le poète pris au piège des étoiles incapable de nommer la femme autant que de compter. Dans cet univers encore incertain, sa Muse est pourtant grandissante au fil de sa plongée dans l'imaginaire comme l'indique la forme dérivative femme/forme. La femme grandit et sa puissance se décuple, son image s'étire dans une temporalité qui se précise. L'adverbe Maintenant continue à élargir le champ spatio-temporel et étend les horizons (avec le crépuscule et le ponant à la fois occident et coucher du soleil). Dans un sentiment poétiquement lyrique qu'établit dans la puissance du ressenti amoureux. [...]
[...] Le poète révèle avec certitude et amertume l'aporie dans laquelle il se trouve par la reprise de elle grandit processus inévitable dans la progression de cette Muse incontrôlable. Le poète ne pourra pas contenir la femme puisque déjà est le marqueur d'un rêve qui se termine trop tôt par la femme trop fuyante et polymorphe. C'est un univers céleste qui s'altère puisque les apparences du ciel rêvé sont moins forts que la croissante magicienne qui dépasse le poète pris dans le piège de sa propre emphase. [...]
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